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Gaza: « une génération » pour déminer l’enclave après deux ans de combats et de bombardements
Des destructions dans le camp de Bureij après des frappes israéliennes, le 29 octobre. (photo MOIZ SALHI / Anadolu via AFP)
Au milieu des quelque 61,5 millions de tonnes de débris générées par les bombardements et les combats à Gaza, les milliers de munitions non explosées, principalement laissées lors des frappes aéro-terrestres israéliennes depuis l’attaque du Hamas contre le sud d’Israël le 7 octobre 2023, représentent un danger permanent pour les habitants, en particulier pour les enfants.
Environ 70 000 tonnes d’explosifs sont tombées sur Gaza (365 km2) depuis le début de la guerre. En janvier 2025, le service de la lutte antimines de l’ONU (UNMAS) estimait déjà que « 5 à 10% » des munitions tirées sur Gaza n’avaient pas explosé, soit 7500 tonnes de mines, d’obus et de bombes à sous-munitions tirés par les Israéliens mais aussi de munitions abandonnés par le Hamas. Dix mois plus tard, davantage de ces munitions et engins explosifs sont à localiser et neutraliser.
L’artillerie de l’IDF en action contre des cibles à Gaza, en juillet 2024. (Photo by Gili Yaari / NurPhoto via AFP)
Comme le rappelle l’ONG Handicap international, ces munitions non explosées posent des risques « énormes » aux populations civiles, aux humanitaires et à ceux qui préparent puis effectueront la reconstruction du territoire palestinien. Il est donc vital et urgent de lancer des opérations de dépollution et de déminage. Des opérations qui, selon Nik Or, expert en déminage de l’organisation « Humanity and Inclusion » (ex-Handicap International), pourraient prendre « entre 20 et 30 ans », pour le seul déminage de surface.
Mais, à ce jour, aucun matériel de déminage n’a encore été autorisé à entrer dans la bande de Gaza par l’armée israélienne.
Par ailleurs, les moyens humains spécialisés restent limités. La police palestinienne dispose d’une poignée d’artificiers et seuls deux organismes internationaux, aux équipes réduites, sont autorisés en matière de déminage: le HALO Trust qui intervient en Cisjordanie et l’UNMAS à Gaza.
Un artificier du ministère de l’Intérieur de Gaza en janvier 2025 lors d’une intervention pour neutraliser une bombe non explosée. (Photo by Mahmoud Bassam / Anadolu via AFP)
L’UNMAS coordonne les activités de déminage par l’intermédiaire du Groupe de travail sur l’action antimines. L’organisme onusien, qui pilote 19 missions dans le monde, est chargé de l’effort de déminage à Gaza pour appuyer les projets humanitaires et les plans de reconstruction. Il est également le principal acteur en mesure d’intervenir pour neutraliser et évacuer les restes explosifs de guerre (remnants of war ou ERW) dont les munitions non explosées (unexploded ordnance ou UXO) et les mines AP (antipersonnel) et AT (antitank) disposées par les belligérants. Mais les moyens humains et matériels de l’UNMAS sont dérisoires au regard de la tâche; quant à ses efforts de formation de démineurs locaux et de sensibilisation de la population aux risques des ERW, ils sont méritoires mais insuffisants.
Un armement israélien découvert sur le site d’un bombardement à Gaza, le 30 octobre 2025. (Photo by Saeed M. M. T. Jaras / Anadolu via AFP)
Des efforts pour dépolluer Gaza ont pourtant été annoncés. Le Royaume-Uni a confirmé jeudi qu’il allait débloquer une enveloppe de 4 millions de livres (4,5 millions d’euros) afin de soutenir les efforts de déminage à Gaza et permettre ainsi la dépollution de certains sites vitaux, l’acheminement de l’aide humanitaire, le retour des populations… Le HALO Trust et l’ONG MAG (Mines Advisory Group), deux structures britanniques spécialisées dans le déminage, seront associées à cet effort.
Mais c’est insuffisant. Charles Birch, le patron de l’UNMAS en Palestine, a besoin de 45 millions d’euros pour seulement lancer les opérations et, par exemple, pour dégager les routes.
Concurrence ukrainienne
Autre théâtre de guerre où l’effort de déminage et de dépollution s’annonce titanesque une fois les combats arrêtés, l’Ukraine draine une grande partie de l’aide internationale en matière de déminage humanitaire.
Ainsi, en 2023, les alliés de l’Ukraine se sont engagés à fournir une aide de 244 millions de dollars (220,9 millions d’euros) et du matériel spécifique pour permettre au pays de répondre à ses besoins en matière de déminage humanitaire. Les pays suivants comptaient alors parmi les donneurs: USA, UE, Japon, Royaume-Uni, Norvège, Suède, Italie, Lituanie, Pays-Bas, Danemark, Canada, Autriche, Suisse, Corée du Sud.
La Howard Buffett Foundation était aussi associée à cet effort.
Mais là aussi, les besoins sont colossaux. Selon la Banque mondiale, l’ensemble des opérations de déminage humanitaire en Ukraine coûtera environ 37 milliards de dollars. L’Ukraine aura également besoin de plus de 10 000 démineurs, ainsi que de centaines d’engins de déminage.
Sur le sujet du déminage humanitaire en Ukraine, on pourra lire le sujet de notre correspondante en Ukraine, Emmanuelle Chaze: « En Ukraine, le colossal défi du déminage du sol », paru le 17 juin 2024 dans nos colonnes et sur le site web d’Ouest-France.