Bonjour à tous !
J'ai longtemps hésité entre le métier des armes, la police nationale et la gendarmerie nationale. J'ai donc longtemps réfléchi, et je pense que maintenant ma réflexion est à son terme. J'ai fait un choix. Ce sujet ne va pas être une question, mais plutôt vous partager ma réflexion sur ce choix difficile de carrière, entre armée, police et gendarmerie. J'espère que ça pourra aiguiller certaines personnes si elles doutent encore.
D'abord, parlons du pourquoi du métier des armes dans mon cas, pour lequel je considérais cette voie comme étant pour moi. Le métier des armes c'est plusieurs choses à la fois, être garant de siècles d'histoire, au service de la France, représenter quelque chose. Sur le plan émotionnel, ça me touche énormément, je suis vraiment en émoi quand je vois les parades, quand j'écoute les chants, quand je lis les récits de bataille, et quand je me recueille pour ceux qui sont tombés au champ d'honneur.
Avec toutes ces valeurs morales, ça serait le métier parfait me direz-vous ? Peut-être bien pour certains, mais pas pour moi. Je n'ai jamais été un grand sportif, plutôt un intellectuel, pas trop friand des manières dures et brutales. La guerre, malgré toute la symbolique qui l'entoure ce n'est pas pour moi. Après pas mal de réflexion sur moi-même, je me suis rendu compte que ce qui me plaisait le plus dans les métiers des armes, c'était d'écrire une page de l'histoire, en usant de tactique, de coups d'éclat, en faisant preuve de génie. C'est la tactique, la symbolique, l'histoire qui m'attirent, et à moins d'être un officier très haut gradé, je ne coche qu'une case sur trois.
Maintenant dans tout ce qui est plus matériel, la solde n'est pas extravagante, le logement de sous-officier ne l'est pas non plus également, la vie en ville n'est pas toujours une obligation, et elle est ponctuée de tous ces impératifs de la vie militaire, que tantôt je conçois comme bons, tantôt comme indésirables. Au fond de moi, je pense aspirer à un autre idéal de vie, à une autre vie que la vie militaire, malgré les avantages indéniables qu'elle procure.
Le choix se fait maintenant entre les deux plus grands acteurs de la sécurité intérieure en France, ajoutons aussi l'administration pénitentiaire qui rentre dans le jeu. Je vais d'abord traiter du choix de la sécurité intérieure, puis des points positifs et négatifs de chaque choix, à mon avis bien sûr.
Pourquoi la sécurité intérieure ? La défense est tout à fait nécessaire à la sûreté de la Nation et de l'État, mais là où nos actions impactent plus visiblement la sécurité, c'est au sein de la sécurité intérieure. Bien sûr qu'il est nécessaire de faire des OPEX, je ne nie pas cela, mais c'est tout un enchaînement qui rend cela nécessaire, avec l'arrestation d'un dealer, d'un violeur, ou d'un terroriste sur le sol national le cheminement est bien plus court, et peut-être plus limpide.
Quel crédo ? Protéger la France des ennemis de l'intérieur, telle est la mission de ces institutions, protéger la France des ingérences étrangères, garantir la souveraineté et la sécurité du peuple français, érigées en principes constitutionnels dès la Révolution française. Servir la Justice, servir le Droit, servir le Juste, défendre l'opprimé, détruire l'oppresseur. Faire respecter la loi, faire respecter l'ordre. Ce sont les valeurs qui m'animent quotidiennement, et je pense qu'elles sont profondément ancrées dans ces trois institutions. Il faut être droit, juste, courageux, agir avec probité et dévouement, au service de l'État et de la France. Pour moi, et après réflexion, c'est à peu près la même force et rigueur d'âme qui ressort de ces principes que des principes militaires, ils sont juste moins ancrés dans notre société, nous y pensons naturellement moins.
Maintenant que la discussion des impératifs moraux est faite, discutons des trois institutions que j'ai mises, dans ma réflexion, et à mon humble avis, en compétition. D'abord le côté moral et symbolique de la chose, puis l'aspect pratique.
Commençons par la Police nationale. Nationale, elle fait régner la loi partout, sur l'ensemble du territoire national. Profondément républicaine, elle assume ses prérogatives, et sert dignement l'État et la France. Sa devise : Pro Patria Vigilant. Pour la Patrie, ils veillent. Ils veillent, comme Saint-Martin, puisse-il les protéger. Honneur, dévouement, courage, audace, panache. Pour moi tout colle, maintenant dans les faits, la police ne dispose pas de chants, n'est pas autant attachée que les armées au côté symbolique des choses, à la beauté des uniformes, au dénouement moral qui mène à un tel engagement. Elle ne l'est plus, désormais peut-être rompue à une technicité qui tantôt la désarme face à ses rivales d'un jour, tantôt la rend attractive, nous y reviendrons.
C'est donc un engagement qui, pour moi, et dans mon esprit, est lourd de sens, lourd de responsabilités, lourd d'histoire. Fouché, La Reynerie, et d'autres m'observent depuis les cieux, j'espère que je saurai leur rendre honneur. Toutefois ce n'est pas dans cette institution que l'on me rappellera bien souvent cette histoire, cet engagement, et toute la symbolique qui va avec. Mes convictions se suffiront-elles à elles-mêmes ? J'espère.
Maintenant dans le domaine pratique, le policier est un fonctionnaire, qui va selon son service, faire de 35, à 70 heures hebdomadaires, sans toujours être dûment récompensé pour celles-ci. Fonctionnaire, certes, mais technicien professionnel. Orfèvre de la sécurité publique en police secours, de la police judiciaire au sein de la Crim' ou encore de la police aux frontières dans un aéroport de France, il se doit d'être le plus rigoureux et professionnel possible dans l'exercice de ses fonctions. Il se loge par lui-même, et évolue dans une institution hiérarchisée, organisée en trois corps, accessibles par concours interne. Il est possible pour lui de se syndiquer. Il est bien payé, et évoluera toujours dans une zone urbaine, voire dans Paris, la capitale de la France, la Ville lumière, et pour moi, c'est un grand plus. Il n'a pas toujours le style d'un officier des armées, mais il a la classe du commissaire, ou de l'enquêteur de la PJ.
Maintenant, passons par la Gendarmerie nationale. Elle a vocation à faire respecter la loi dans toute la France, comme pour la police, mais contrairement à celle-ci elle est présente en majorité dans les zones rurales et périurbaines. Institution militaire, elle est la plus ancienne institution française, affublée d'une grande histoire. Sa devise : pour la Patrie, l'Honneur et le Droit. La défense de la patrie, de l'honneur et du droit. Tout ce que j'apprécie. La rigueur du militaire accouplée à la technicité due à l'exercice de ses fonctions. La symbolique est très forte en gendarmerie, la TeTra des officiers, la vareuse des sous-officiers, le sabre... Les chants, les uniformes, les parades. Cela m'émeut beaucoup, sur ce point-là, la gendarmerie frappe fort.
C'est un engagement lourd de responsabilités et de sens, je le sais, et on me le rappellera souvent, un gendarme est un militaire.
Dans le domaine pratique, le gendarme est un militaire, et est donc soumis à des impératifs spécifiques à la vie militaire, que sont la disponibilité sans failles, la vie en caserne, et la possible rigidité de la hiérarchie. La disponibilité sans failles est usante, elle est nécessaire, mais elle est usante. La vie en caserne, dans des logements pas toujours aux normes, je ne sais pas si je pourrais supporter un tel rapport avec mes camardes, avec qui, contrairement aux autres Armées, je n'irai pas au feu avec. C'est peut-être un peu trop que de vivre tout le temps non pas avec des frères d'armes, mais des collègues, car c'est finalement ce qu'ils sont. Mais ça reste un avantage financier indéniable, au prix de la vie de famille. La rigidité de la hiérarchie est elle aussi nécessaire, mais les abus rôdent, car on peut, hélas, avoir trois barres sur le torse et être de mauvaise moralité. Ce sont des choses qui peuvent arriver. Sur l'aspect pratique, le gendarme est un généraliste de la sécurité publique, il a vocation à être principalement employé dans des brigades et des escadrons. La spécialisation est plus difficile que dans la police, et il ne touchera pas ou beaucoup moins que ses confrères fonctionnaires, au renseignement ou au judiciaire poussé. Je ne souhaite pas rabaisser les gendarmes des unités de recherches, qui sont de très grands professionnels, mais quand on pense judiciaire, on pense avant tout police, c'est un fait. La DGSI n'est ouverte que depuis peu aux gendarmes, qui y sont encore très largement minoritaires, et il n'existe pas de services équivalents à la police aux frontières. Il faut aimer le travail généraliste, qui a le mérite d'être très varié, même si éreintant et pas toujours intéressant. Le gendarme traite une procédure de A à Z, contrairement au policier qui va faire l'intervention, puis transférer aux unités d'enquête. C'est une autre manière de faire, qui, je pense, ne me conviendrait pas.
Maintenant, passons à l'Administration pénitentiaire. Elle a vocation à détenir des détenus, qui ont été jugés par la Justice. Disons qu'elle en fin de la parcours, elle termine le travail coordonné de la police et de la justice. Son insigne, la balance de la Justice, ma foi c'est plutôt noble.
C'est un engagement au service la société, qui est louable, mais qui n'est pas rappelé aux surveillants, qui font leurs cérémonies en polo. Pour le côté symbolique de l'engagement, c'est un 0.
Pour le côté pratique... Le surveillant côtoie les mêmes bandits que la police ou la gendarmerie, mais lui est payé un SMIC, et n'a pas de moyens de défense dans son travail de tous les jours. Son métier est toujours le même : garder des murs, des détenus, et des portes. Ou alors au PREJ : prendre un détenu, le ramener au point Z, revenir, faire pareil. Ou alors, chez les ERIS : attendre, aller dans une prison, intervenir ou attendre le RAID. Recommencer. C'est très routinier, mal payé, peu fort en symbolique hélas. Après m'être renseigné avec des surveillants, j'écarte définitivement cette piste.
Conclusion : le métier des armes n'est pas fait pour moi, j'aime le panache et la symbolique, pas le métier dans les faits. Le métier de policier me correspond mieux, la symbolique et les valeurs qu'il transporte collent bien à moi, le métier est intéressant et varié. Les valeurs sont bien présentes, à moi de les faire vivre à travers mes actes. Pour la gendarmerie, même constat que pour la police, même si au sujet de l'aspect pratique, elle perd pour moi des points, mais en gagne au niveau de la symbolique et des valeurs. La pénitentiaire ne marque aucun point. Petit barème de notation sur 10 :
Institution / Symbolique / Pratique
Armées / 10 / 3 = 13
Police / 5 / 10 = 15
Gendarmerie / 9 / 4 = 13
Pénitentiaire / 3 / 3 = 6
Les grands gagnants de la symbolique, du panache, de la fierté, des valeurs morales, sont les armées et la gendarmerie, qui perdent des points sur l'aspect pratique, là où la police en gagne beaucoup tout en conservant un socle de symbolique qui est fertile, permettant à de nouvelles générations de policiers d'écrire parmi les premières pages d'histoire de cette institution. La pénitentiaire est bien trop négligée par le grand public et les hommes politiques pour être considérée. Courage aux surveillants, je sais que votre métier est très difficile, très très difficile. Courage aussi aux militaires et policiers.
Merci de m'avoir lu, j'espère que ma réflexion personnelle aidera potentiellement des gens, qui, comme moi, se posent des questions.
Bonne soirée.