Bonjour chers camarades,
Permettez-moi tout d'abord de me présenter: Patrick R. , 62 ans, officier de gendarmerie en retraite, demeurant à Cabourg (14).
" Du 8 octobre 1993 au 8 avril 1994, j'ai servi la France à Sarajevo sous mandat de l'ONU. J'étais casque bleu, envoyé dans une ville assiégée, ravagée par les snipers et les bombardements. Ma mission s'inscrivait dans le cadre de la police militaire internationale (UNMP Platoon Sarajevo): tenter de protéger les civils, les convois d'aide humanitaire, désamorcer les tensions, maintenir ce qu'il restait de paix.....Une tâche souvent ingrate, parfois suicidaire, toujours essentielle.
Le 23 novembre 1993, en pleine nuit, j'ai été chargé de libérer deux soldats français retenus par une milice serbe, à Palé, fief bosno-serbe. Ce soir-là, le colonel serbe qui me recevait m'a lancé ces mots, le regard froid:
"Vous voyez ici, on cherche à faire le ménage. Dans 30 ans, vous le ferez en France" .
Trente ans ont passé. Et ces mots me reviennent, comme une blessure qui ne guérit pas.
Je ne reconnais plus mon beau pays de France. Je ressens les tensions monter, les fractures se creuser, les repères vaciller. Ce que j'ai vu là-bas, je le redoute ici. Et je m'interroge: avons-nous retenu les leçons de l'histoire? Ou bien les ignorons-nous, par confort ou par peur?
Ce témoignage, je l'écris aussi pour honorer ceux qui ont servi, comme moi, loin de chez eux, dans l'indifférence ou l'oubli. Nous étions des militaires français, casques bleus engagés au service de la paix. Nous avons vu l'horreur, parfois empêché l'irréparable. Et pourtant, nous ne sommes mentionnés dans aucun discours, dans aucune commémoration nationale.
Je rends ici hommage à mes camarades. Et je pose cette question simple à nos dirigeants et à nos concitoyens:
"Peut-on bâtir l'avenir d'un pays en oubliant ceux qui ont risqué leur vie pour ses valeurs ? Les casques bleus français ont payé un lourd tribut à leur engagement."
Parce qu'honorer la mémoire, c'est aussi protéger ce que nous avons de plus précieux : la paix."
Merci de partager.
"A l'heure où nous célébrons les hommes en jaune, n'oublions pas les hommes en bleu" (et femmes bien entendu).