https://www.opex360.com/2025/08/06/m-lecornu-1-euro-investi-dans-notre-defense-cest-en-moyenne-15-euro-de-richesse-creee-dans-leconomie-francaise/
Alors que le gouvernement s’apprête à soumettre au Parlement un nouveau plan pour rééquilibrer les comptes publics et contenir la progression des dépenses publiques grâce à une « année blanche » en 2026, c’est-à-dire que les prestations et les barèmes ne seront pas augmentés, le ministère des Armées sera l’un des rares à voir son budget progresser significativement l’an prochain, son montant devant passer de 50,5 à 57,1 milliards d’euros, comme l’a annoncé le président Macron le 13 juillet.
Comme cela a pu être naguère le cas, cette hausse des dépenses militaires risque d’être contestée par une partie de la classe politique et de l’opinion publique, malgré l’accumulation des menaces et le durcissement de la conflictualité et les coupes budgétaires, souvent drastiques, dont les armées ont été victimes dans les années 2000 et 2010.
D’ailleurs, lors d’une audition au Sénat, en juin, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a confirmé que le « muscle » des forces françaises avait fini par être « attaqué » durant la période des « dividendes de la paix ». Les « coupes budgétaires dans les années 2000 ont été brutales. C’est même de l’amputation », a-t-il dit. Et ce n’est pas pour ça que la dette de la France s’est réduite, bien au contraire.
Quoi qu’il en soit, M. Lecornu devra convaincre de la nécessité de cette hausse importante des crédits militaires. Sans attendre la rentrée parlementaire, il est passé à l’offensive en prenant l’exemple de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
« Investir dans nos armées, c’est concret. En Auvergne-Rhône-Alpes, l’économie de défense c’est 25 121 emplois dans les 738 PME et ETI sous-traitantes de l’industrie de défense, pour un total de 3,5 milliards d’euros de paiements directs du ministère des Armées aux entreprises en 2025, 20 078 personnels du ministère présents, qui génèrent avec leurs familles 14 605 emplois dans les services et commerces de proximité, 194,5 millions d’euros investis dans les infrastructures, et 2 369 PME et ETI fournisseurs directs du ministère sur le territoire », a-t-il détaillé.
« Notre effort de défense est nécessaire pour garantir notre capacité à être libres souverainement. Il est aussi essentiel pour notre économie », a souligné M. Lecornu, qui a ensuite enfoncé le clou.
« Le modèle français, souverain, garantit que la grande majorité du budget de nos armées est réinjecté dans notre économie nationale », a insisté le ministre, avant de rappeler que les 4 369 entreprises de la Base industrielle et technologique de défense représentaient « près de 210 000 emplois ». Il aurait pu également ajouter que leurs exportations permettaient aussi de rééquilibrer la balance commerciale.
En outre, au-delà des aspects industriels, M. Lecornu a fait valoir que « partout en France autour de nos bases, régiments, sites techniques et administratifs », les « 260 000 agents civils et militaires du ministère participent à la vie de nos territoires, générant avec leurs familles plus de 200 000 emplois induits dans les services et commerces de proximité ».
Aussi, selon lui, « 1 euro investi dans notre défense, c’est en moyenne 1,5 euro de richesse créée dans l’économie française ».
Cet appel à l’argument du « multiplicateur keynésien » [encore appelé « multiplicateur d’investissement »] n’est pas nouveau. Avant lui, Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense entre 2012 et 2017, l’avait avancé, en donnant une estimation « au doigt mouillé ».
« Un seul euro investi dans l’industrie de défense représente en retombée économique 2 euros, 3 euros, peut-être davantage », avait-il en effet déclaré, dans un commentaire sur les exportations françaises d’équipements militaires, en février 2016. « Il est utile pour la réflexion sur la stratégie industrielle d’y réfléchir, au moins de le mettre en valeur et de le constater », avait-il asséné.
À l’époque, une note de l’Observatoire économique de la Défense avait expliqué que « les investissements de la défense […] contribu[ai]ent également à la croissance, à l’innovation, à l’emploi et au développement des territoires tout en tenant compte des contraintes économiques et budgétaires auxquelles [étaient] soumis le ministère ».
Trois ans plus tard, Florence Parly, alors ministre des Armées, avait repris à son compte cet argument. « Un euro investi dans les industries de défense, c’est, in fine, au bout de dix ans, 2 euros de croissance économique, et donc du PIB ». Ce que confirma un rapport de l’Assemblée nationale, publié en 2020.
« Les dépenses publiques consenties dans ces industries de souveraineté bénéficient très majoritairement à des producteurs français et, en conséquence, créent de l’activité, de l’emploi et de la valeur ajoutée en France. Dans d’autres secteurs, à l’inverse, les dépenses publiques stimulent davantage d’importations, ce qui limite d’autant leur effet bénéfique sur l’économie française », était-il avancé dans ce document.
Plus récemment, le ministère des Armées s’est appuyé sur une étude de l’Institut de l’économie industrielle pour évaluer exactement ce que rapporte un euro de dépense militaire à l’économie française.
« L’investissement militaire agit comme un véritable multiplicateur économique. […] Chaque euro investi dans la défense génère entre 1,27 euro et 1,68 euro de richesse dans l’économie nationale, en fonction de l’horizon temporel considéré », a-t-il en effet avancé.
Et d’ajouter : « Ce multiplicateur élevé s’explique par la structure même des dépenses militaires, qui se concentrent sur la production industrielle nationale à forte valeur ajoutée technologique, et mobilisent un large écosystème de sous-traitants, d’ingénieurs, de techniciens et de services annexes ».
Selon le ministère des Armées, les investissements dans la défense ont la particularité de « contribuer directement à la croissance du PIB en stimulant la demande domestique » et en encourageant la modernisation des outils de production. « À moyen et long terme, les effets se prolongent par l’amélioration de la productivité globale de l’économie, en raison des retombées technologiques, de la diffusion d’innovations vers le secteur civil et du maintien de compétences de pointe sur le territoire », a-t-il relevé.
Sur le plan budgétaire, a-t-il conclu, « les dépenses de la défense ont également un effet de retour fiscal significatif » car elles engendrent de « l’activité » et « alimentent la taxe sur la valeur ajoutée [TVA], les impôts sur les sociétés, les cotisations sociales ainsi que l’impôt sur le revenu des salariés concernés ».