Il occupe déjà mes soirées et mes nuits, c'est bien pour cela que je cogite... On peut demander beaucoup à un soldat, à un lieutenant a fortiori; c'est son métier et il l'a choisi. Mais aujourd'hui on se retire d'Afghanistan, on réduit les budgets et c'est l'armée de terre qui prend de plein fouet la restriction budgetaire. Bonne ou mauvaise chose? Je ne sais pas et ce n'est pas de mon niveau d'en juger.
En revanche, ce que je vois, c 'est qu'il faut se spécialiser pour être valorisé. 75% des engagements financiers de l AT pour la seule année 2013 ont été annulés ou reportés. Les temps de lieutenant et de capitaine sont courts: 8ans jusqu'à la fin du TC pour un "direct". Je n'ai peut-être aucune expérience en opération, mais je ne suis pas aveugle, je sais qu'un régiment qui n'est pas en opération ou qui ne se prépare pas à être projeté n'a presque pas de moyen pour s'entraîner.
J'ai vu en stage des soldats faire de l ISTC avec des manches de balais parce qu'il n'y avait pas assez de FAMAS, j'ai vu des sections d'infanterie partir à la journée pour la seule séance de tir du mois avec 2000 cartouches en tout et pour tout et c'est une réalité qu'il faut avoir à l'esprit.
Je ne suis pas un expert dans le combat d'infanterie ni dans l'armée en général, vous avez raison. Mais depuis 4 ans que je me forme, j'ai vu à quel point la vie d'un lieutenant dépendait du caractère aléatoire des missions qui lui étaient confiées.
A Saint Cyr j'ai vécu entouré de cadres qui nous répétaient que nous allions nous battre contre "le taliban"; aujourd'hui je m'entraîne contre des compagnies motorisées sur BTR 80 type pacte de Varsovie...
Vous y croyez, vous? Vous pensez que c'est ça l'ennemi de demain? Moi non.
Je veux bien commencer ma journée à 6h et la finir à 23h, ou même plus tard; mais derrière je vois un grand flou. Je vois que depuis un mois on a définitivement supprimé les TP des sections d'infanterie: 640 postes en moins qui permettent de ne pas remplacer les FR f2. Je vois que les seuls budgets qui seront préservés ou augmentés sont ceux des FS et du Rens. Soit.
Donc je cogite.
Savez-vous quels sont les débats qui nous occupent à l'EAI? Comment va-t-on pouvoir assurer la réintégration de l'armement puisque l'armurier est un civil et qu'il finit à 17h30; comment va-t-on pouvoir se rendre à la prochaine activité à 10 km puisqu'il n'y a pas de GBC à notre disposition...
Voilà les préoccupations d'un lieutenant en école, c'est beau la vocation mais je ne peux pas accepter de voir mon métier réduit à cela.
Se spécialiser au sein de l'infanterie, voilà ce qui peut amener à dépasser les vicissitudes et le caractère aléatoire de l'avenir d'un lieutenant.
C'est le sens de mon interrogation. Et pourtant, Saint-cyrien, je pourrais me laisser porter par un cursus tout tracé: une section, une compagnie presque sûrement, des bureaux paisibles et une situation stable qui ferait rêver pas mal de monde en cette période de crise. Juste ne pas faire de vagues... et éviter de cogiter..