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La commande d’un éventuel second porte-avions devra être notifiée avant 2029
Depuis les Émirats arabes unis, comme annoncé par la Loi de finances 2025, le président Macron a confirmé le lancement en réalisation du porte-avions de nouvelle génération [PANG], dont la construction a d’ailleurs déjà commencé.
« À l’heure des prédateurs, nous devons être forts pour être craints et en particulier forts sur les mers. Voilà pourquoi conformément aux deux dernières Lois de programmation militaire et après un examen complet et minutieux, j’ai décidé de doter la France d’un nouveau porte-avions. La décision de lancer en réalisation ce très grand programme a été prise cette semaine. […] Ce nouveau porte-avions sera l’illustration de la puissance de notre nation, puissance de l’industrie, de la technique, puissance au service de la liberté sur les mers et dans les remous du temps », a en effet déclaré M. Macron.
Pour rappel, ce nouveau porte-avions aura un déplacement de 80 000 tonnes pour une longueur de 310 mètres. Doté d’une propulsion reposant sur deux chaufferies nucléaires K22, il devra être en mesure de naviguer à la vitesse maximale de 30 nœuds, de mettre en œuvre des armes à énergie dirigée, des brouilleurs de forte puissance et, surtout, trois catapultes électromagnétiques [EMALS] associées à un dispositif de récupération des aéronefs appelé AAG [Advanced Arresting Gear].
Cela étant, la question de la « permanence d’alerte » des capacités aéronavales reste encore à trancher… alors que, selon le général Fabien Mandon, le chef d’état-major des armées [CEMA], elle devait être prise en compte dans les travaux préparatoires au lancement en réalisation du PA NG.
« Au plan militaire, j’ai besoin de permanence. Un outil de combat qui est disponible 65 % du temps, ce n’est pas l’idéal. En tout cas, pour moi, soit il est disponible quand j’en ai besoin, soit il n’est pas disponible. Donc, la détermination du futur porte-avions, dans sa géométrie, son volume et son coût, est essentielle. On est en train de terminer ces travaux, qui vont être présentés à notre ministre », avait en effet affirmé le CEMA, devant la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense.
« On doit réfléchir à l’évolution de ce système. On est en train de terminer ce travail […] . J’espère avoir la permanence », avait-il insisté.
Une « permanence d’alerte » suppose de disposer de deux porte-avions. Comme l’a expliqué l’amiral Nicolas Vaujour, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], lors d’une récente audition au Sénat [*], deux solutions souveraines sont possibles.
La plus évidente consisterait à maintenir le porte-avions Charles de Gaulle en service plus longtemps que prévu.
« Si vous privilégiez la rapidité, car vous estimez qu’il faut à notre pays cet outil souverain de puissance et de supériorité aéromaritime, il convient de prolonger le Charles-de-Gaulle et d’avancer le plus vite possible sur le PA NG. Le cas échéant, la France serait dotée de deux porte-avions en 2038 », a-t-il dit.
Mais encore faut-il que le porte-avions Charles de Gaulle puisse être prolongé. « Nous le saurons en 2029, au moment de [son] arrêt technique », a souligné le CEMM.
Plus précisément, le troisième arrêt technique majeur [ATM] du Charles de Gaulle est prévu en 2027 et devrait durer entre 18 et 24 mois. Ce n’est qu’à cette occasion qu’il sera possible de regarder l’état des cuves de ses deux réacteurs nucléaires K15 et, le cas échéant de de changer leur cœur. Cette affaire relève de la Direction des applications militaires [DAM] du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives [CEA]. Quant au coût d’une telle opération, il s’élèverait à environ 1 milliard d’euros.
En tout cas, la prolongation du Charles de Gaulle, qui est opérationnel depuis 25 ans, est une hypothèse crédible. Admis au service en 1975, le porte-avions américains USS Nimitz vient ainsi de terminer son ultime mission, au bout de 50 ans de service et après avoir été intensivement sollicité et connu des déploiements de très longue durée, comme en 2020, avec 11 mois passés en mer [et plus de 180 000 km parcourus.
La seconde solution avancée par l’amiral Vaujour passerait par la commande d’un second PA NG, identique au premier. Cette option est « la plus cohérente et la plus efficiente » pour « atteindre la permanence en 2042-43 », a-t-il fait valoir.
Seulement, pour qu’elle le soit effectivement, il n’y a guère de temps à perdre. « L’optimum, du point de vue de l’outil industriel, consisterait à commander un deuxième porte-avions quatre ans après la première commande, soit en 2029 », a avancé le CEMM.
L’idée de réaliser un porte-avions européen, encore proposée par l’ancien commissaire européen Thierry Breton à l’antenne de CNews, ce 22 décembre, l’amiral Vaujour l’a écartée catégoriquement.
« Le porte-avions européen, je n’y crois pas, car il sera impossible de partager la décision d’emploi », a-t-il dit. En revanche, selon lui, une coordination étroite avec des partenaires européens paraît « une perspective plus crédible » étant donné qu’il « s’agit de garantir qu’un porte-avions européen soit toujours disponible » pour une zone d’opération donnée, comme l’Indopacifique.
« Quand nous avons envoyé le Charles-de-Gaulle dans l’Indopacifique, nous avons succédé à un porte-avions italien et un porte-avions britannique nous a suivis. Cette synchronisation n’était pas le fruit du hasard : elle était le résultat d’une coopération trilatérale entre le First Sea Lord, le chef d’état-major de la marine italienne et moi-même », a dit le CEMM. Or, « ce que nous avons fait au niveau militaire, il est possible de le faire, en cas de crise majeure, au niveau politique », a-t-il estimé.
Au passage, anticipant les éventuelles critiques sur la construction du PA NG, l’amiral Vaujour a suggéré que le porte-avions a encore de beaux jours devant lui.
« En 2010, il y avait 27 porte-avions dans le monde. En 2030, il y en aura 37. On assiste à une prolifération dans ce domaine : les Turcs veulent en construire, les Espagnols veulent en obtenir, les Italiens veulent construire un porte-avions nucléaire, les Indiens veulent passer au porte-avions à catapulte, les Chinois ont reçu leur troisième en construisent leur quatrième et veulent aller à six, les Américains en sont toujours à onze. Seuls les Russes n’en ont pas, c’est une de leurs faiblesses, qu’il nous faut exploiter : ils n’ont jamais réussi à mettre en œuvre durablement cet outil de supériorité aéromaritime », a-t-il fait observer.
[*] Tenue à huis clos, son compte rendu vient d’être publié