https://lignesdedefense.ouest-france.fr/un-sondage-revele-un-large-soutien-dans-toute-leurope-en-faveur-dune-augmentation-des-depenses-de-defense/
En amont du sommet de l’Otan, des 24 et 25 juin à La Haye, le Conseil européen des relations internationales (ECFR) a réalisé un sondage multi-pays.
Réalisé par les instituts de sondage YouGov, Datapraxis et Norstat, ce sondage multinational a été mené dans 12 pays européens: Allemagne, Danemark, Espagne, Estonie, France, Hongrie, Italie, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni et Suisse.
Il révèle un large soutien dans toute l’Europe en faveur d’une augmentation des dépenses de défense (50 % en moyenne dans les 12 pays sondés contre 24 % d’opposants), d’un engagement à maintenir le soutien militaire à l’Ukraine en cas de retrait des États-Unis (59 %) et d’un soutien au développement d’une force de dissuasion nucléaire européenne alternative qui ne dépende pas des États-Unis (54 %).
Les principales conclusions de l’enquête multinationale menée par l’ECFR sont les suivantes :
● Il existe un large consensus en Europe sur la nécessité d’augmenter les dépenses de défense.
Une majorité de la population en Pologne (70 %), au Danemark (70 %), au Royaume-Uni (57 %), en Estonie (56 %) et au Portugal (54 %) soutient (soit « fortement », soit « dans une certaine mesure ») l’idée d’augmenter les dépenses nationales de défense.
Une majorité en Danemark et en Estonie (les deux seuls pays où l’autre question a été posée) est également favorable à une augmentation des dépenses de défense à 5 % du PIB national.
Des pluralités en Roumanie (50 %), en Espagne (46 %), en France (45 %), en Hongrie (45 %), en Allemagne (47 %) et en Suisse (40 %) se sont également déclarées favorable à une augmentation des dépenses de défense.
L’Italie fait toutefois figure d’exception à cette tendance, avec une majorité de 57 % qui s’oppose à cette idée « dans une certaine mesure » ou « fortement », et seulement 17 % qui la soutient.
● Une majorité des personnes interrogées est également favorable à la réintroduction du service militaire obligatoire.
Les personnes interrogées en France (62 %), en Allemagne (53 %) et en Pologne (51 %) sont les plus favorables à cette mesure, tandis que le soutien le plus faible provient de Hongrie (32 %), d’Espagne (37 %) et du Royaume-Uni (37 %) (cette question n’a pas été posée au Danemark, en Estonie et en Suisse, car le service militaire y est déjà obligatoire).
Les personnes âgées de 60 à 69 ans et de 70 ans et plus sont les plus favorables à l’idée d’un service militaire obligatoire (avec respectivement 54 % et 58 % de soutien).
Ce soutien chute toutefois lorsqu’il s’agit du groupe démographique le plus jeune (les 18-29 ans). En moyenne, seuls 27 % de ce groupe, qui est en âge de partir en guerre, se sont déclarés favorables, tandis qu’une majorité, 57 %, a indiqué qu’elle s’opposerait à une telle mesure.
● Les Européens sont déterminés à soutenir l’Ukraine, quelle que soit la politique américaine.
Les données de l’ECFR montrent que dans onze des douze pays sondés, une majorité ou une pluralité de la population s’oppose à l’idée que l’Europe retire son soutien militaire à l’Ukraine, qu’elle incite l’Ukraine à renoncer aux territoires occupés par la Russie ou qu’elle lève les sanctions économiques contre la Russie, indépendamment d’un éventuel changement de politique américaine sur ces points.
Les personnes interrogées au Danemark (78 %), au Portugal (74 %), au Royaume-Uni (73 %) et en Estonie (68 %) sont les plus fervents partisans du maintien du soutien militaire en cas de retrait des États-Unis. De même, les personnes sondées au Danemark (72 %), au Portugal (71 %), au Royaume-Uni (69 %) et en Estonie (68 %) sont les plus opposées à l’idée de pousser l’Ukraine à renoncer aux territoires occupés, si les États-Unis adoptaient une telle approche ; et sont également les plus farouchement opposées à la levée des sanctions économiques contre la Russie, si les États-Unis agissaient de la sorte (Danemark, 77 % ; Royaume-Uni, 71 % ; Estonie, 69 % ; et Pologne, 68 %).
● L’hostilité de Trump envers l’Europe suscite un sentiment anti-américain.
C’est particulièrement vrai au Danemark, où 86 % des personnes interrogées pensent que le système politique américain est « défaillant » et où la part de la population qui considère la réélection de Trump comme une mauvaise chose pour les citoyens américains est passée de 54 % à 76 % en seulement six mois.
On observe une situation similaire parmi les citoyens portugais, où 70 % considèrent aujourd’hui que le système politique américain est « défaillant », contre seulement 60 % lorsque l’ECFR a posé la même question en novembre 2020, après l’élection de Joe Biden.
Au Royaume-Uni et en Allemagne, des majorités respectives de 74 % et 67 % pensent également que le système américain est défaillant.
Et même en Pologne, traditionnellement pro-américaine, la part des citoyens partageant cet avis est passée de 25 % à 36 % depuis novembre 2020
● Il règne un certain scepticisme quant à la capacité de l’UE à s’affranchir efficacement des États-Unis en matière de défense et de sécurité.
Les personnes interrogées au Danemark et au Portugal sont les plus optimistes à cet égard, avec respectivement 52 % et 50 % des citoyens estimant qu’il est « possible » pour l’UE de devenir indépendante des États-Unis en matière de défense et de sécurité au cours des cinq prochaines années.
Ce scepticisme est le plus prononcé en Italie et en Hongrie, où respectivement 54 % et 51 % des personnes interrogées considèrent que l’autonomie de l’UE en matière de sécurité et de défense est « très difficile » ou « pratiquement impossible » à atteindre au cours des cinq prochaines années.
Ailleurs, les avis sont partagés, notamment en Roumanie (45 % pensent que c’est possible contre 39 % qui pensent que c’est difficile ou impossible), en France (44 % contre 39 %), en Allemagne (44 % contre 45 %), en Pologne (38 % contre 48 %) en Estonie (41 % contre 49 %) et en Espagne (43 % contre 47 %).
Les Européens sont également sceptiques quant à la capacité de l’UE à mettre de côté ses divergences internes et à devenir une puissance mondiale capable de rivaliser économiquement avec les États-Unis et la Chine. La conviction que l’UE peut devenir un tel acteur est faible et minoritaire dans onze des douze pays sondés par l’ECFR (les Danois étant les seuls à faire exception par leur optimisme).
● Beaucoup pensent également que l’alliance transatlantique sera rétablie une fois que Trump aura quitté ses fonctions.
L’opinion selon laquelle les relations transatlantiques s’amélioreront après le départ de Trump est largement répandue, notamment au Danemark (62 %), au Portugal (54 %), en Allemagne et en Espagne (52 %) et en France (50 %).
Ce point de vue est le moins répandu en Hongrie (20 %) et en Roumanie (28 %), où une proportion relativement importante de personnes (respectivement 24 % et 19 %) estime que Donald Trump n’a pas vraiment nui aux relations transatlantiques. Seule une minorité dans chaque pays (22 % en moyenne dans les 12 pays sondés) estime non seulement que Donald Trump a nui aux relations entre l’Europe et les États-Unis, mais aussi que « les dommages persisteront probablement même après son départ ».
En outre, l’opinion dominante dans les douze pays étudiés par l’ECFR est que l’Europe peut continuer à compter sur la dissuasion nucléaire américaine (48 % des citoyens, en moyenne sur l’ensemble des pays sondés, partagent cette opinion), qu’il faut maintenir la présence militaire américaine sur le continent (55 %) et qu’il faut éviter une guerre commerciale avec Washington (54 %).
● Trump 2.0 a provoqué une révolution non seulement dans la géopolitique européenne, mais aussi dans l’identité politique de ses principaux partis politiques.
Le retour au pouvoir de Trump semble avoir déclenché une vague de « travestissement politique » en Europe.
Les partisans des partis populistes ne sont plus exclusivement opposés au statu quo : ils sont désormais favorables au contre-projet trumpien. Et ceux qui soutiennent les partis traditionnels ne sont plus simplement favorables au statu quo : ils puisent désormais de plus en plus leur énergie dans leur rôle de défenseurs de la souveraineté nationale contre Trump.
En conséquence, l’opinion publique européenne est actuellement fortement polarisée dans sa perception du système politique américain.
Par exemple, les électeurs des partis de droite, Fidesz (Hongrie), PiS (Pologne), Frères d’Italie (Italie), AfD (Allemagne) et Vox (Espagne), ont une opinion majoritairement positive des États-Unis, tandis que les électeurs traditionnels de ces pays ont une opinion majoritairement négative du système politique américain.
De plus, le fait de pouvoir considérer les États-Unis comme un modèle semble permettre aux électeurs d’extrême droite de critiquer encore plus ouvertement l’UE. Cela représente un bond en avant considérable pour les partisans de certains partis populistes, tels que le PiS (Pologne), Vox (Espagne) ou Chega (Portugal), où l’idée que l’UE est défaillante est désormais majoritaire, alors qu’elle n’était auparavant partagée que par une minorité de leurs électeurs.
À l’inverse, les électeurs des partis traditionnels semblent se rallier autour du drapeau européen, notamment en Allemagne et en France. Ces différents changements dans l’opinion publique ont pour conséquence l’émergence d’une relation inverse dans la perception des États-Unis et de l’UE, qui n’existait pas auparavant.