BTX Posté(e) il y a 7 heures Signaler Partager Posté(e) il y a 7 heures https://www.forcesoperations.com/face-a-lurgence-une-fenetre-temporelle-de-trois-ou-quatre-ans-pour-muscler-les-capacites-de-lotan/ Trois à quatre ans. C’est la fenêtre de tir dont disposent les nations de l’OTAN pour muscler leurs capacités militaires avant de basculer dans une autre forme d’urgence, estime le commandant suprême allié Transformation (SACT), l’amiral français Pierre Vandier. « Un très, très fort sentiment d’urgence » « Le temps manque, c’est cela le problème ». Le sentiment d’urgence est palpable dans les rangs de l’Alliance atlantique, représentée par l’amiral Vandier à l’occasion d’un échange lors du Paris Defence & Strategy Forum. La transformation de ses forces armées est désormais menée à marche forcée sur fond de dégradation de l’environnement sécuritaire. Destiné à répartir les cibles capacitaires entre États-membres, le processus OTAN de planification de défense – le fameux NDPP – a vu son cycle accélérer. Jusqu’alors attendue pour octobre, la remise de la copie par le SACT est désormais programmée pour le mois prochain. « Aujourd’hui, nous avons 80% d’acceptation des cibles capacitaires des 32 pays. Tous les gros ont accepté, même ceux qui n’acceptaient pas d’habitude », annonce le SACT. De quoi être confiant sur la présentation d’un document abouti lors du sommet de La Haye de juin prochain. « Cela veut dire que le plan est connu. Chaque pays sait ce qu’il a à faire », complète-t-il. Engagé pour deux décennies, chaque NDPP est revu de manière cyclique tous les quatre ans. L’OTAN se trouve actuellement dans la troisième phase du cycle actuel et prépare la directive politique de 2027. « Le NDPP, c’est ce que les nations ont demandé à l’OTAN d’organiser », rappelle l’amiral Vandier. À chacun de proposer l’une ou l’autre capacité nécessaire au succès des plans militaires conçus par l’autre pilier stratégique de l’OTAN, le commandement suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), un poste occupé par le général américain Christopher G. Cavoli. Il ne s’agit pas tant de combattants ou de matériels que de moyens d’ensemble capables de générer les effets demandés par les plans du SACEUR : une brigade mécanisée, un groupe aéronaval ou encore un escadron de chasse. Au-delà, leur composition ne regarde que le pays concerné. « Les nations ont décidé de ne pas se fixer de contrainte temporelle dans l’adoption des cibles capacitaires ». Une souplesse calendaire en trompe l’oeil car, pour le SACT, « le sentiment d’urgence, nous l’avons clairement. Aujourd’hui, on pense que l’on a une fenêtre temporelle de trois à quatre ans dans laquelle on peut faire des choses avant de se retrouver avec un très, très fort sentiment d’urgence ». Un trou « considérable » à combler Le défi est de taille pour les 32 nations concernées. « Globalement, il manquait 30% des capability target du cycle précédent et là nous allons ajouter 30% supplémentaires », relève le SACT. Le retard reste tangible malgré l’énergie déployée depuis 2022, ne faisant que creuser cet « énorme trou » à combler. « Nous sommes à un moment où tout est important, où on manque de tout. Il faut donc être assez avisés ». Inutile de constituer « une montagne d’obus et de cartouche de 7,62 mm », il s’agira plutôt d’acquérir des outils de souveraineté, des « enablers » correspondants aux rangs des nations européennes. Face à des adversaires bien plus décomplexés qu’auparavant, la priorité absolue sera de renforcer au plus vite l’arsenal offensif, estime l’amiral Vandier. Car, depuis février 2022, la posture défensive privilégiée dès l’origine par l’OTAN ne suffit plus pour dissuader. « Aujourd’hui, si vous n’avez pas d’outils offensifs, vous ne faites pas de dissuasion » et un bouclier, aussi épais soit-il, n’est plus tant un élément dissuasif qu’un « encouragement à essayer de le percer », alerte l’officier français. « Nous avons un déficit majeur en terme d’Integrated Air Missile Defense [IAMD], donc la défense sol-air. Ce sont, pour parler français, les batteries de MAMBA ou de Crotale. Nous avons un retard considérable, nous ne pouvons même pas protéger nos soldats déployés de manière satisfaisante », poursuit le SACT. Autre capacité critique, les outils de commandement pourront potentiellement se retrouver au coeur d’une « guerre numérique », un scénario pour lequel l’OTAN travaille notamment à « une forme de maîtrise du traitement de la donnée ». L’intelligence artificielle y aura un rôle à jouer, amenant d’autres questions en matières de partage et de sécurisation. De ces « enablers » à construire, certains sont simples et d’autres compliqués. Le hic, c’est que certains des plus compliqués et des plus critiques sont essentiellement détenus par les Américains, rappelle l’amiral Vandier. L’essentiel des moyens de frappe longue portée terrestre présents en Europe, par exemple, est amené par les États-Unis. Ce sont, entre autres, ces missiles ATACMS (Army TACtical Missile System) tirés par des lanceurs HIMARS acquis dernièrement par plusieurs pays européens. Si Washington fait partie de ces « gros » ayant accepté les nouveaux objectifs capacitaires, la réalité d’hier n’est pas celle de demain dans un monde qui accélère. Ce n’est d’ailleurs pas tant la question de la contribution américaine au budget de l’OTAN – environ 500 M$ par an – que celle de l’empreinte future des forces américaines stationnées en Europe qui inquiète. Rien de très surprenant pour le SACT, qui rappelle que la nouvelle présidence américaine ne fait que reprendre – certes avec plus de mordant – le discours déjà entendu maintes fois par le passé d’un potentiel rééquilibrage du partage de charge de part et d’autre de l’Atlantique. Pour le noyau européen de l’OTAN, l’heure est dès lors à la mobilisation collective. Le nécessaire réveil européen « Il y a actuellement à peu près 60% du matériel militaire européen qui est de fabrication américaine », rappelle le SACT. Demain, ce ratio pourrait tourner à l’avantage de la filière européenne. Le format E5, qui rassemble les cinq plus grandes nations militaires d’Europe, multiplie les messages dans ce sens. Après Berlin et Varsovie, ils se sont réunis cette semaine à Paris pour un nouveau point d’étape et quelques messages forts. « Nous nous sommes cachés sous le parapluie américain, profitant du fait que quelqu’un d’autre nous défendait. Nous avons compris qu’il est prioritaire pour la sécurité de nos citoyens et de nos démocraties que l’Europe démontre une capacité de défense autonome », déclarait le ministre de la Défense italien, Guido Crosetto. « Nous voyons qu’il y a une forme de réveil européen qui se fait », observe le haut représentant de l’OTAN. De fait, des noyaux capacitaires se forment autour des besoins les plus prégnants. L’European Sky Shield Initiative (ESSI), par exemple, pour le segment sol-air. Ou encore l’European Long Strike Approach (ELSA), une initiative visant à récréer ces « moyens de dissuasion conventionnelle qui reposeront des dilemmes stratégiques et tactiques à l’adversaire de demain ». Initiée par la France, l’Italie, l’Allemagne et la Pologne, ELSA s’est rapidement étendue au Royaume-Uni et à la Suède. Les Pays-Bas ont eux aussi annoncé leur souhait de monter à bord de cet effort pouvant déboucher sur des solutions sol-sol et air-sol dotées d’une portée de 1000 à 2000 km. D’autres avancent en solo. La Turquie vient ainsi de tirer un nouveau missile balistique à 560 km, un choix « très très malin » et « une manière de s’inviter à la table de la prochaine discussion » portant sur le traité FNI. Qu’importe la capacité visée, « il faut être stratégique dans l’approche, il ne s’agit pas seulement de rassembler des brigades à la frontière de l’OTAN. Il s’agit aussi d’avoir le coup d’après pour construire l’architecture de sécurité de demain », pointe l’amiral Vandier. À qui acheter ou comment développer, peu importe pour une Alliance qui « fixe la barre » mais ne fait pas de politique industrielle. Celle-ci ne manque cependant pas d’idées. Parmi les pistes évoquées pour accélérer : le caractère dual de certaines technologies, à commencer par celles de l’information. « Si on se désensibilise aux processus complexes, à la sur-spécification, à l’absence de tout risque dans le domaine militaire, nous pouvons finalement transférer des technologies civiles très abouties dans le domaine militaire », estime l’amiral Vandier. Pour les pays du E5, le réveil « passera par une accélération du développement de notre industrie de défense, en abordant la question de la sous-traitance pour limiter les goulots d’étranglement, ainsi qu’en continuant notre agenda de relocalisation et de simplification ». Les moyens financiers arrivent, du moins sur papier. Les budgets nationaux décollent, une trajectoire soutenue par la promesse d’un assouplissement réglementaire européen. Quelque 800 Md€ supplémentaires pourraient théoriquement venir alimenter la machine militaire européenne grâce au plan ReArm Europe porté par la présidente von der Leyen. La balle est maintenant dans le camp des industriels. « L’Europe a le plan. Maintenant il faut délivrer, il faut créer l’industrie ou au moins la renforcer », pointe l’amiral Vandier. Les efforts ponctuels réalisés par-ci par là sur certains équipements critiques – l’artillerie et les munitions complexes en tête – ne peuvent à eux seuls éclipser trois décennies passées sans investir dans les machines outils, les matières premières et autres chaînes d’approvisionnement. « Il y a un peu tout à reconstruire et assez vite », résume-t-il. Crédits image : SACT 1 Citer Ya Rab Yeshua. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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