Le navire ravitailleur « Jacques Chevallier » a effectué une manœuvre inédite avec un pétrolier civil américain

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Les dépôts de carburants et de munitions étant désormais à la merci de missiles à longue portée, le réapprovisionnement d’une force navale par des navires logistiques pourrait être plus compliqué, ce qui limiterait nécessairement sa liberté d’action tout en la rendant plus vulnérable. Aussi, pour éviter un tel scénario, le commandement du transport maritime militaire [Military Sealift Command – MSC] de l’ US Navy a développé le concept « CONSOL » [Consolidation Between Oilers].

Ainsi, celui-ci consiste à affréter des pétroliers civils pour ravitailler en mer les pétroliers-ravitailleurs militaires afin de leur permettre de réapprovisionner une force navale sans avoir besoin de faire des allers-retours vers un dépôt logistique. Ce qui, par ailleurs, réduit les coûts et augmente le temps passé sur place pour soutenir la flotte.

Seulement, une telle procédure ne s’improvise pas : effectuer un ravitaillement à la mer [RAM] est une manœuvre compliquée car les deux navires devant maintenir une vitesse et un cap constants pendant parfois plusieurs heures. En outre, le concept CONSOL suppose que le pétrolier civil soit doté d’équipements lui permettant de transférer du carburant à un autre navire. Pour cela, l’US Navy a mis au point le « kit d’adaptation modulaire » MCAK.

Au regard des compétences spécifiques qu’il faut maîtriser pour effectuer un RAM, le Military Sealift Command affrète une flottille de pétroliers civils, comme le Stena Polaris.

En novembre, à Toulon, ce dernier avait été sollicité pour mener des essais à quai avec le nouveau Bâtiment ravitailleur de forces [BRF] Jacques Chevallier. Il s’agissait de vérifier la compatibilité des équipements des deux navires avant d’envisager une véritable manœuvre de ravitaillement en mer. Celle-ci a eu lieu le 24 décembre dernier, en mer Rouge, dans le cadre de la mission Clemenceau 25, menée par le groupe aéronaval [GAN] formé autour du porte-avions Charles de Gaulle

« Le BRF Jacques Chevallier a réalisé avec succès le plein de ses soutes de gazole à la mer à hauteur de 450 mètres cubes selon le processus CONSOL avec le pétrolier américain Stena Polaris », a en effet confirmé la Marine nationale, le 4 janvier.

Ainsi, le BRF Jacques Chevallier a ajouté un autre corde à son arc. « L’acquisition de cette nouvelle compétence permettra d’accroître la capacité du GAN et généralement des unités françaises et alliées déployées en zone d’opération à durer sans même toucher terre ».

S’il est assez courant de voir un pétrolier civil ravitailler un navire militaire en mer [le porte-hélicoptère amphibie Tonnerre l’a été par le Scot Munschen, en mars 2024], l’opération que vient de réussir le BRF Jacques Chevallier est en effet inédite pour la Marine nationale.

« La capacité CONSOL est un véritable atout logistique et opérationnel pour une force telle que le GAN. Ravitailler le ravitailleur de cette façon permet de ne pas détacher le BRF et un escorteur pour le protéger pour qu’ils rejoignent un port capable d’approvisionner avec le bon type de combustibles et carburant. Cette manœuvre peut prendre plusieurs heures ou plusieurs jours en fonction de la distance du port vis-à-vis de la force », a-t-elle résumé, avant de souligner la « grande interopérabilité des marines française et américaine ».

Et d’ajouter : « En bénéficiant de points d’appui mobiles en mer, le Jacques Chevallier et les futurs BRF feront baisser leur temps de transit pour assurer une meilleure permanence des opérations, en particulier dans les zones contestées où les points d’appui logistique sont rares ».

Pour rappel, admis officiellement au service actif le 20 novembre dernier, le BRF Jacques Chevallier affiche un déplacement de 31 000 tonnes en charge, pour une longueur de 194 mètres et une largeur de 24 mètres. Ayant une capacité d’emport de 1500 tonnes de fret et de 13 000 mètres cubes de carburant, il est doté de quatre mâts de ravitaillement polyvalents permettant le soutien simultané de deux navires. Mis en œuvre par 130 marins, il peut accueillir un hélicoptère NH-90 Caïman et un drone aérien. Enfin, pour sa protection, il est armé de deux canons RAPIDFire de 40 mm, et d’un système de défense aérienne Simbad-RC.