BTX Posté(e) 24 juillet Signaler Posté(e) 24 juillet L’armée de Terre a soufflé les 70 bougies d’une 7e brigade blindée (7e BB) qui, pour s’assurer d’être « bonne de guerre » dès cette année, a choisi d’innover en mobilisant tout l’écosystème disponible. De l’organisation aux équipements, focus sur l’innovation au sens large et sur cette expérience de « brigade de combat » pour lesquels les Centaures ont servi d’heureux cobayes. Innover dans toutes les directions Innover n’est plus un choix. Ce choix n’existe pas plus aujourd’hui qu’à la création de la 7e division mécanique rapide à Constance en 1955. En pleine guerre froide et face à un adversaire qui se désinhibe à nouveau, cette unité nouvelle intègre alors « les meilleures technologies de son temps », rappelait le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Pierre Schill, le mois dernier à l’occasion des 70 ans d’une division transformée en 7e BB au tournant du troisième millénaire. Première à prendre en main l’engin blindé de reconnaissance (EBR) et l’AMX-13, pionnière dans la construction d’une brigade mécanisée, expérimentatrice des VBCI, « la 7 a toujours été précurseur, en fer de lance de l’armée de Terre », poursuivait le CEMAT. Nés d’une expérimentation, les Centaures ont su maintenir cette dynamique en devenant la première brigade dite « bonne de guerre » de l’armée de Terre, ce jalon majeur dont l’atteinte était en quelque sorte officialisée le 14 juillet dernier sur les Champs-Élysées. « L’armée de Terre compte sur vous pour continuer à lui ouvrir la voie », lui annonçait le CEMAT. Message reçu cinq sur cinq. « Faire d’une brigade de 7000 combattants un ensemble opérationnel prêt dès ce soir ne se décrète pas », rappelait le général Schill. Cet état « bon de guerre », la 7e BB y travaille depuis un moment avec un jalon majeur dans le viseur : son déploiement au complet en Roumanie, là où elle arme un bataillon multinational « fer de lance » qu’elle se tient prête à renforcer au coup de sifflet. Ce premier test grandeur nature interviendra à l’automne prochain avec l’exercice Dacian Fall de l’OTAN, créneau choisi pour démontrer la capacité de la brigade à se projeter en 10 jours sur le flanc oriental de l’Alliance. Si le système de préparation opérationnelle reste celui d’un pays en temps de paix, la 7e BB « a atteint tous les plus haut standards de préparation opérationnelle », nous confirmait son chef d’état-major, le colonel Laurent Luisetti. Tous les régiments ont ainsi pu aller se frotter à la mécanique de l’OTAN lors de leur déploiement en Roumanie. L’obsession des Centaures ? Survivre, résumait leur chef, le général de brigade Philippe Le Carff, quelques semaines avant de rendre son commandement pour devenir sous-chef d’état-major « plans et programmes » de l’état-major de l’armée de Terre. Survivre sur un champ de bataille où un char Leclerc de 60 tonnes doit désormais craindre un drone de 10 kg. Alors pour mettre toutes les chances de son côté, la 7e BB innove dans tous les champs possibles, qu’ils soient d’ordres tactique, organisationnel ou technique. « Nous allons changer les structures, les adapter et modifier les compétences », nous explique le colonel Luisetti. Exemple parmi d’autres et conséquence d’une innovation technique, la création d’un centre d’entraînement tactique drone (CETD) est l’une des pistes retenues pour généraliser l’utilisation des drones d’attaque et de surveillance dans un cadre interarmes. La 7e BB, l’une des premières brigade à se doter d’un centre d’entraînement tactique drone (Crédits image : 7e BB) Les savoir-faire tactiques acquis au sein du CETD amènent à reconfigurer les cellules dans les régiments. « Nous venons de créer une cellule ad-hoc que nous allons sans doute adopter de manière permanente, qui est le groupe de drones de frappe », annonce le colonel Luisetti. Intégrée pour la première fois massivement lors de l’exercice AIN TAYA organisé il ya quelques semaines à Valdahon (Doubs), cette capacité permet au chef de groupe de déceler, prioriser et cibler à l’aide d’un télépilote de surveillance et de télépilotes de drone de frappe. « Dans le cadre d’une ligne de front globalement stabilisée, les groupes de frappe ont d’abord participé, depuis des postes de commandements enterrés et fortifiés au modelage de l’ennemi en détruisant ses éléments de renseignement, ses appuis et sa logistique dans la profondeur », précisait alors la 7e BB. Ces drones ont ensuite acquis le renseignement pour préparer une action du groupement commando blindé. Ils ont enfin servi à éclairer la manoeuvre blindée, parfois opérés depuis des engins en mouvement par des télépilotes intégrés à un détachement interarmes en phase d’offensive. Visiblement concluante, l’idée est appelée à se généraliser au sein des régiments, avec une priorité logiquement accordée aux unités de mêlée. L’organisation, elle aussi, change. « L’évolution de la conflictualité nous amène à revoir notre modèle, la façon avec laquelle nous allons employer nos sections d’infanterie ou nos pelotons de chars », observe le colonel Luisetti. « Ces structures sont appelées à évoluer », poursuit-il. La 7e BB travaille notamment sur la taille des unités « pour qu’elles soient plus mobiles, plus réactives et pour qu’elles puissent plus facilement se disséminer sur le terrain et ensuite se regrouper ». Au lieu du peloton actuel à quatre chars et quatre VBL, la 7e BB réfléchit à, pourquoi pas, « resserrer la masse blindée pour créer un autre outil de renseignement qui ait une autre fonction ». Mais un autre pan de l’effort d’innovation relève des équipements. Depuis plusieurs mois, la 7e BB est au coeur d’une démarche initiée par la Section technique de l’armée de Terre (STAT). Baptisée « brigade de combat », elle répond à un objectif simple : acquérir au plus vite des équipements disponibles sur étagère ou presque et capables de combler un maximum de trous dans la raquette. La 7e BB au coeur de la démarche « brigade de combat » L’idée remonte à décembre 2024. Le général Tony Maffeis, alors encore directeur de la STAT, propose de s’accoler au déploiement à venir en Roumanie pour expérimenter cette démarche de « brigade de combat ». L’enjeu principal ? « Accélérer les acquisitions » au profit de brigades devenues le pion central d’une armée de Terre qui se prépare désormais à un conflit de haute intensité, expliquait l’ingénieur en chef de l’armement (ICA) Aurélien à l’occasion de la première édition du forum Techterre organisée début juillet à Sissonne. Accueilli à Besançon par l’état-major de la 7e BB, le DIRSTAT en est revenu avec une « liste au père Noël » contenant les équipements dont a besoin la brigade pour pouvoir s’engager sous court préavis et réussir sa mission sur le flanc Est. La Direction générale de l’armement (DGA) embarque au tournant 2024-2025. Protection, communications, équipements individuels, etc., les desiderata sont tous soumis à un critère central : le délai. Hors de question de lancer un développement ou une intégration complexe donc chronophage, à l’instar de cette demande pour des systèmes d’aménagement de terrain totalement hors-champ. Il s’agit plutôt de remplir rapidement des trous, de renforcer le « ciment » qui entoure les grands objets que sont le char Leclerc, le drone DT 46 ou encore le Griffon MEPAC au moyen de « patchs » ciblés, limités et complémentaires, conformément à la volonté affichée depuis l’an dernier par le CEMAT. Pour faciliter la tâche d’industriels confrontés aux cahiers des charges à rallonge, chaque besoin a été résumé à une seule planche, voire deux dans de rares cas. Aux entreprises d’ensuite se rapprocher le plus possible de l’esprit initial pour rendre une offre un mois plus tard. Pari gagné. « Le tissu industriel a joué », se félicite l’ICA Aurélien, rattaché à la sous-direction « Environnement des programmes » de la STAT. Une dizaine de contrats ont été notifiés par la DGA, la Direction de la maintenance aéronautique (DMAé) et la STAT pour une valeur globale de 10 M€. La totalité aura été livrée aux unités d’ici fin octobre. « En 10 mois, nous aurons atteint la totalité de la cible », estime l’ICA Aurélien. Ou presque, car deux ou trois « queues de comète » subsisteront sans grandes conséquences pour les opérationnels. La valeur de cette démarche, « c’est la valeur d’une pensée différente, distincte, qui ne remet pas en cause les processus existants qui sont efficaces ». Au contraire, la STAT aura su mobiliser le sacro-saint code de la commande publique à son avantage en ne le considérant non plus comme un frein mais comme une boîte à outils. Exemple avec cette cage de protection du Leclerc, raccrochée au marché existant plutôt qu’au travers d’un processus nouveau. Autre exemple avec l’utilisation du gré à gré, autre atout mobilisé pour générer des raccourcis et court-circuiter – légalement – le schéma d’acquisition classique. Pour réussir, la démarche se devait de revoir la notion de passage à l’échelle. Exit le carcan anxiogène visant à produire sans fin, place au juste besoin, à l’adéquation stricte à la cible requise par l’utilisateur. Les lots sont donc limités mais incitent à recommencer pour d’autres bénéficiaires. Seuls six drones Hexadrone équipés du capteur NRBC fourni par Mirion Technologies ont donc été acquis, une flotte correspondant pile-poil à celle que pourraient mobiliser les spécialistes NRBC du 2e régiment de dragons pour venir en appui de la 7e BB. Idem pour la « cope cage » du Leclerc, cette cage de protection anti-drones conçue avec KNDS France commandée à cinq exemplaires. Et la liste continue avec ces 25 kits d’hybridation des communications commandés auprès de Thales, cette capacité de guerre électronique intégrée au poste de commandement de la brigade, et ces deux systèmes de cinq leurres gonflables livrés par Rivolier pour renforcer la protection desdits PC. Reste à concrétiser le passage à l’échelle pour cette cage de protection que la 7e BB souhaiterait confier à tous ses escadrons de Leclerc Dans certains cas, la STAT a su exploiter le calendrier de grands programmes en cours. Elle a ainsi profité d’une mise à jour du système d’information du combat SCORPION débarqué (SICS-D) prévue pour octobre pour y intégrer un module de traduction conçu par Elika Team. « Tous les personnels équipés de SICS-D auront le traducteur flamand-espagnol en plus de l’anglais déjà intégré », annonce l’ICA Aurélien. Inutile également de réinventer l’eau chaude. Il s’agissait aussi de récupérer certains projets qui végétaient, dont cette claie de portage héritée d’un projet de technologie de défense et destinée à alléger la charge du fantassin. Parfois, les planètes s’alignent pour aller au-delà de la cible requise par la brigade. Ces claies conçues pour faciliter l’emport des postes de tir et missiles MMP et pour l’armement des tireurs d’élite longue distance, la STAT en a commandées 570 auprès de Geopack. De quoi élargir directement le champ aux deux tiers de l’armée de Terre et équiper tous les TELD. Reste un financement à trouver pour acquérir les 200 exemplaires nécessaires pour finir de doter les équipes MMP. Dans d’autres cas, « nous n’y sommes pas complètement ». C’est le cas pour les cages anti-drones, qui ne permettent pour l’instant que de protéger un peloton. Bien trop peu à l’échelle d’une brigade, alors qu’il y a urgence à « faire de très grands progrès pour protéger passivement et activement les blindés français » selon l’ex-commandant de la 7e BB. À bon entendeur… Qu’importe l’équipement livré, « ça marchera comme ça marchera », tempère le représentant de la STAT. Reste que celle-ci a gagné son pari de mobilisation d’un écosystème complet en un temps record. Pour les 8500 Centaures d’active et de réserve, il s’agit maintenant d’être au rendez-vous des grands jalons du second semestre, que seront le déploiement en Roumanie et l’exercice « Small Joint Operations » (SJO25). Pour la STAT, il s’agit d’envisager la suite d’une démarche « que l’on espère réplicable ». Légère, médiane ou lourde, peu importe la brigade tant que le besoin est clairement exprimé et entre dans les cordes financières et temporelles. Cela tombe bien, parce que la 7e BB passera bientôt le témoin de la sectorisation sur le flanc Est de l’Europe à une 2e brigade blindée visiblement demandeuse de reproduire le processus. Crédits image : 7e BB Citer Ya Rab Yeshua.
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