De l'art du camouflage.................

[BTX]

Il y a quelques jours The Mail on Sunday, un tabloïd britannique, annonçait avec enthousiasme « les troupes britanniques ont testé une ‘cape d’invisibilité’ qui les fait disparaître du champ de bataille ». Cela nous a évidemment intrigué chez FOB, nous avons donc décidé d’enquêter. Malheureusement, le titre se révélait bien plus prometteur que le texte, l’hebdomadaire confondant deux technologies radicalement différentes : le camouflage statique, qui ne peut se modifier, et le camouflage dynamique, qui se métamorphose réellement.

 

La camouflage statique, tel l’uniforme de ce soldat, peut être très efficace quand il est porté dans le bon décor, mais placez cette même personne dans des buissons, elle se dévoilera immédiatement.

Ce que les soldats du 3rd Battalion « The Rifles » (ou 3 Rifles) ont testé sur le terrain au centre de techniques de guerre expérimentales de l’US Army, à Fort Benning, Georgie, consiste en un camouflage statique baptisé Vatec développé par Polaris Solutions en Israël, fabriqué et commercialisé sous la marque « VATEC Concealment Solutions » (VCS), par une association à but non lucratif dont la mission est « d’employer des personnes fortement handicapées », ReadyOne Industries, basée à El Paso, Texas.

L’originalité de ce matériau réside dans la possibilité de le façonner pour lui donner une forme quelconque, tels un buisson ou un rocher et sa capacité à garder cette forme.

 

Vatec peut adopter n’importe quelle forme que vous souhaitez lui donner

Il faut environ 25 minutes à deux  personnes expérimentées pour transformer le tissu en petit bunker ou couvrir un véhicule, par exemple. Mais Vatec ne change certainement pas de couleur.  Si vous désirez un rocher, vous devrez disposer de la version camouflage  « rocher », si vous souhaitez un buisson, il vous faudra la  variante « buisson ». N’importe quel motif imitant un environnement naturel ou urbain tiré de photos peut être appliqué sur le tissu, explique ReadyOne.

L’autre intérêt de ce tissu réside dans sa capacité à rendre tout ce qu’il cache difficilement détectable par des capteurs infrarouges ou thermiques. Ce tissu a une texture frou-frou qui lui confère une troisième dimension même quand il est mis à plat. En outre, des découpes qui ne se correspondent pas dans chacune des trois couches  modifient l’épaisseur du tissu, donc la température détectable d’une personne ou d’un véhicule cachée en-dessous diffère à ces endroits. Cela donne un contour thermique décomposé en motifs irréguliers, méconnaissables.

« C’est un équipement absolument génial. Les gars attendent désespérément que l’armée l’achète. Au lieu de transporter du grillage, un spray de peinture et des couvertures thermiques, nous pourrions nous contenter d’utiliser ce seul produit, qui est vraiment léger », explique le caporal Tyrone Hoole, un tireur d’élite du 3 Rifles cité par The Mail on Sunday.

Ce camouflage statique est basé sur une technologie très différente de celle du camouflage dynamique, sur laquelle un grand nombre d’industriels et laboratoires travaillent mais qui est encore loin de la « cape d’invisibilité » portée par Harry Potter, le célèbre sorcier fictif. FOB a eu l’occasion d’en discuter avec le Professeur Andrea di Falco, directeur du groupe de recherche sur les optiques synthétiques à l’université écossaise de St Andrews, qui a publié en 2010 un article à propos de ces « méta-matériaux » absorbant la lumière et/ou les ondes radars.

« L’invisibilité parfaite est pratiquement impossible », déclare-t-il. « Nous pouvons réduire les couleurs et réduire la direction de la lumière mais seulement sur d’assez petites choses, pas plus grandes qu’un timbre poste. Un manteau serait trop grand », explique-t-il.

 

La technologie d’invisibilité en est encore à ses balbutiements, donc les tireurs d’élite devront faire leur travail avec ce type de camouflage pour encore un long moment

Di Falco précise que les scientifiques ont réussi à rediriger la lumière à travers certains matériaux comme le verre de sorte que vous pourriez y cacher des barres de fer en transformant le verre poli en verre dépoli. Et de mentionner quelque chose semblant très proche de l’idée à l’origine du Vatec : une « couverture camouflée ». Cela signifie, explique-t-il, que « la couverture, constituée d’un matériau ressemblant à son environnement, présente une bosse sous laquelle vous pouvez cacher des objets. La couverture paraît plate, mais en fait ne l’est pas ».

 

Une pieuvre prend la couleur du corail sur laquelle elle se repose

Le camouflage dynamique,  pour sa part, tente d’imiter la  manière dont un caméléon ou une pieuvre peuvent changer la couleur de leur peau grâce à des cellules chromatophores riches en pigments réagissant aux  facteurs extérieures, les faisant se fondre dans leur environnement pour tromper les  prédateurs.

Un article daté de septembre 2014 publié par l’équipe de Xuanhe Zhao du MIT (Massachusetts Institute of Technology) décrivait le développement d’une matière flexible qui peut changer de couleur et de texture commandé à distance. Toutefois, le nombre de couleurs et de formes est fortement limité pour le moment, bien que l’équipe indique que celles-ci pourraient être multipliées à l’avenir.

 

Voici comment les méta-matériaux pourraient fonctionner ©version française Juliette Deseilligny

Cependant, Bill Boothby, ancien directeur adjoint des services juridiques de la Royal Air Force, mettait en garde, dans son livre « Weapons and the Law of Armed Conflict » publié en 2009 par Oxford University Press, contre la possibilité que certaines de ces techniques de camouflage militaire pourraient violer les conventions de Genève concernant la dissimulation de l’équipement ou des armes des soldats.

Conformément à l’article 37 de la convention de Genève de 1949, les camouflages, les leurres, les opérations simulées et la désinformation sont tous autorisés. Néanmoins, Boothby estime que le port d’une « cape d’invisibilité » pourrait violer l’obligation qu’a le combattant d’arborer un signe distinctif reconnaissable à distance et de porter ses armes de manière visible.

Entretemps, Guy Cramer, de l’Hyperstealth Biotechnology Corp., de Marple, B.C., Canada, est devenu un leader mondial dans l’art de la conception de camouflages. Les armées, de la Nouvelle-Zélande aux États-Unis, du Mexique à la Jordanie, de la Jamaïque à l’Afghanistan, et d’innombrables autres ont tous choisis les dessins digitaux de Cramer.

 

Ce modèle Hyperstealth a été conçu pour l’Afrique du Sud et est encore en cours d’expérimentation, selon le site Web de la société

Vous ne verrez pas les meilleurs produits sur le site web de la société parce que, comme le mentionnait Cramer au journal quotidien The Globe and Mail en septembre 2012 : « Nous n’allons pas montrer nos  meilleures idées à nos  concurrents sur notre site web. Mais si vous êtes une force  spécial de premier ou second  niveau, nous avons une  bibliothèque toute différente à  vous montrer. » Parmi ces produits, on en trouve un baptisé « Quantum Stealth » qui intègre une technologie de réfraction de la lumière dans un écran. « Si vous deviez prendre une photo de cette matière dans un environnement, et une autre sans ce matériel, les deux photos sembleraient presque identiques. Et si quelqu’un se tenait debout derrière Quantum Stealth, vous ne verriez absolument personne. Voilà ce que réalise ce matériau, il réfracte la lumière tout autour, de sorte que vous voyez ce qui est derrière la cible, et non la cible elle-même », ajoute Cramer.

 

Voici une maquette du matériau « Quantum Stealth » recouvrant l’assistante de Cramer. Selon le site de la société, « ni caméras ni projecteurs ne sont utilisés. Ces photos sont faites pour montrer le concept aux médias, nous ne pouvons pas montrer la technologie en question pour des raisons de sécurité. Avec le matériau réel, vous ne verriez qu’environ 5% de l’ombre projetée sur elle et le sol, car nous avons déterminé une réduction de 95% de cette ombre durant les tests ».

Mais il n’existe pas de photos de ce produit, donc nous n’en saurons pas plus. Souvenez vous, par ailleurs, que Di Falco parlait de cacher des objets de la taille d’un timbre-poste, non pas un humain. Et Cramer n’a pas répondu à nos courriels demandant davantage d’informations.

http://forcesoperations.com/lart-du-camouflage-2eme-partie/