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Cabinets de conseil : le ministère des Armées réduit la note, muscle le contrôle et mise sur l’internalisation


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« Il me semble que nous avons progressé depuis cinq ans dans les modalités de nos recours aux prestations des cabinets de conseils », estimait ce mardi la ministre des Armées Florence Parly. Auditionnée par la Commission d’enquête du Sénat sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés, celle-ci est venue défendre une stratégie axée sur la maîtrise des coûts, le renforcement du contrôle et le développement d’une capacité interne.

 

Une enveloppe en baisse

Trop systématique, mal encadré et très onéreux, le recours à des cabinets de conseil privés est un « sujet pris à bras le corps depuis plusieurs années » par le ministère des Armées. Celui-ci a en effet instauré une doctrine d’emploi de ces prestataires bien avant les autres ministères. L’exposé, aux antipodes de celui réalisé par le cabinet américain McKinsey deux semaines plus tôt, semble avoir convaincu les sénateurs. Leur rapport est attendu pour la mi-mars.
 

Depuis quelques années, le ministère des Armées a recentré ce recours au conseil externe sur les questions de transformation numérique tout en rationalisant la fonction achat. Entre 2014 et 2018, les centaines de pouvoirs adjudicateurs ont laissé place à deux entités : le Service générale pour l’administration (SGA) et la Direction interarmées des réseaux, des infrastructures et des systèmes d’information (DIRISI) pour les marchés relatifs au numérique.

 

Toujours en cours, cette bascule vers le numérique s’est traduite par une réduction de la facture globale. De plus de 22 M€ en 2018, le montant des prestations contractualisées hors-numérique a été divisé par deux pour s’établir à 10 M€ en 2021. Plusieurs grands chantiers sont en cours, à l’instar de la transformation du Service de santé des armées (SSA). Depuis 2018, la refonte du SSA a exigé la passation de six marchés de conseil à Eurogroup et BearingPoint pour un total de 3,5 M€, notamment pour de l’appui au recrutement et au pilotage d’un projet baptisé « Observatoire de la santé des militaires ».

 

Pour le numérique, le financement a grimpé de 6 M€ en 2018 à 11 M€ en 2021. Une progression « tout à fait naturelle et justifiée » vers un domaine pour lequel Florence Parly a fixé « de très fortes ambitions de transformation » et dont il est « indispensable d’en assurer l’accompagnement ».

 

Et la maîtrise budgétaire devra s’accélérer. Mi-janvier, le Premier ministre Jean Castex a adressé une circulaire à l’intention des ministères afin que ceux-ci diminuent de 15% le montant des conseils en stratégie  par rapport à 2021. Message reçu, le prochain accord-cadre du ministère des Armées, négocié l’an dernier et notifié « dans les prochaines semaines » prévoit une réduction « très significative » du plafond financier, bien au-delà de l’effort demandé par le Premier ministre.

 

Fixé à 105 M€ pour la période 2018-2021, le « droit de tirage » sera ainsi réduit à 40 M€ pour sur les quatre prochaines années, « ce qui montre que nous sommes confiants (…) à tenir à l’intérieur de cette enveloppe sans pour autant compromettre les besoins des Armées ». Petite nouveauté, cet accord-cadre comprendra un lot spécifiquement destiné à la maîtrise d’ouvrage pour des montants inférieurs à 50 000€. L’objectif ? « Gagner en vitesse et en rigueur ».

 

Internaliser le conseil

Cette réduction de la facture, le ministère des Armées l’explique par une volonté d’éviter  les redondances par l’exploitation des résultats déjà obtenus, mais aussi de favoriser la mutualisation de travaux en cours et l’internalisation des prestations. Enjeu majeur pour préserver l’autonomie, ce troisième point explique notamment le développement d’une « délégation à la transformation et à la performance ministérielle » (DTPM).
 

Rattachée au SGA, cette entité créée le 1er janvier 2020 regroupe des personnels issu de la direction de projet transformation numérique (DPTN), la délégation des SIAG (DESIAG), la mission d’aide au pilotage (MAP), la mission développement managérial, ainsi que certains agents du SPAC. Soit, à l’heure actuelle, 25 agents et six apprentis.

 

« Il faut voir cette entité comme une véritable offre alternative pour bon nombre de démarches en accompagnement des états-majors, des directions et des services pour la mise en place de leurs projets de transformation », détaille Florence Parly. Bien que récente, la DTPM a déjà été mobilisée sur 105 projets, dont plus de la moitié sont désormais clôturés. Le dispositif a permis au ministère de bénéficier d’une économie « de l’ordre de 14 M€ » sur deux exercices budgétaires.

 

L’expertise de la DTPM provient pour partie de l’extérieur, le ministère des Armées étant très attaché « à ce qu’un transfert de compétences puisse être réalisé à chaque fois que l’on recourt à un cabinet de conseil extérieur ». Au-delà de l’intérêt budgétaire évident, cette internalisation participe à assurer « une plus grande autonomie », relève Florence Parly.

 

Si le ministère se dit « plutôt satisfait des premiers résultats », le mécanisme n’est « pas complètement mature, il y aura certainement matière à (…) le perfectionner ». D’après la ministre des Armées, « nous aurons un bilan à dresser de la qualité de l’accompagnement qui est fourni par cette structure d’accompagnement interne ». Entre autres améliorations possibles, l’obligation d’exercer une « bonne rotation » des agents impliqués, dont beaucoup proviennent de cabinets de conseil.

 

Cette stratégie de transfert des compétences profite à d’autres. Exemples avec la transformation numérique des Armées et la refonte du SSA. Après s’être appuyée sur les cabinets Eurogroup et Deloitte entre 2017 et 2020 pour mettre en œuvre sa transformation, la Direction générale du numérique (DG NUM) a ensuite récupéré la maîtrise complète du projet en s’appropriant les travaux passés. Ainsi, « la nouvelle stratégie cloud du ministère est aujourd’hui rédigée par une équipe totalement étatique et seules quelques expertises ciblées et très techniques subsistent », note Florence Parly. Côté SSA, ce transfert de compétences aura permis de structurer une nouvelle division « anticipation et stratégie » au sein du service.

 

Contrôles et garde-fous

« Nous avons renforcé le processus de validation des demandes de prestation de conseils ». Depuis juin 2021, tous ces marchés sont soumis en bout de chaîne à l’aval du cabinet ministériel, jusqu’alors seulement compétent pour les dossiers ne touchant pas au numérique.  
 

Ce processus « robuste » de filtrage requiert également un visa systématique des autorités concernées, CEMAT ou DGA par exemple, et des directeurs de programme de programme. Des 41 demandes de prestations « en vue de recourir à un cabinet extérieur » exprimées en 2021 auprès du SGA, seules 14 ont finalement été validées, « ce qui prouve bien que nous avons trouvé des solutions alternatives sans devoir recourir à un prestataire externe ».

 

En mentionnant les scandales Alstom, CLOUD act et autres révélations sur la NSA, les sénateurs ont mis le doigt sur « un sujet essentiel », l’actualité rappelant quotidiennement que l’étanchéité des filiales européennes de groupes étrangers n’est pas toujours garantie. Des réserves peuvent ainsi être émises et appliquées pendant plusieurs années. « Il faut pouvoir, lorsque c’est nécessaire, éviter certains cabinets de conseil, ce qui veut dire qu’il faut s’affranchir des règles de la commande publique », estime la ministre des Armées.

 

Le code des marchés publics a prévu ce cas de figure en plaçant ces prestations dans le champ des « marchés de défense ou de sécurité », synonymes de protections particulières tels que le recours à la préférence européenne ou le criblage et l’habilitation des personnels externes détachés dans une enceinte ministérielle. Les Armées sont particulièrement attentives lorsqu’il s’agit du numérique, domaine dans lequel « il y a des données en jeu ». Toute prestation relative à ce segment exige l’octroi d’une habilitation de niveau « secret » (ex-confidentiel défense).

 

Les questions de déontologie, enfin, s’avèrent d’autant plus critiques que de nombreux militaires de haut rang choisissent d’entamer une seconde carrière dans le secteur du conseil. Depuis 2018, une soixantaine d’officiers généraux ont choisi cette voie : six ont rejoint un cabinet et 54 ont lancé leur propre entreprise, avec tout ce que cela implique comme risques en matière de conflit d’intérêt. Soucieux d’éviter pareil cas, le ministère des Armées mène systématiquement un examen et assure une traçabilité par l’intermédiaire d’une commission de la déontologie interne.

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Ya Rab Yeshua.

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