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https://www.forcesoperations.com/sjo-25-laboratoire-capacitaire-et-jalon-vers-une-division-prete-au-combat/

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Clap de fin pour « Small Joint Operation ». Achevé la semaine dernière, cet exercice technico-opérationnel (EXTO) constituait un jalon majeur de prise en main de l’innovation pour l’armée de Terre et, plus encore, pour une 1re division progressant tambour battant vers le prochain objectif, celui d’une division « prête au combat » en 2027. 

 
Un laboratoire plutôt qu’un exercice

« Ce n’est pas un exercice classique ». Ici, ce sont moins les séquences tactiques que les innovations mises en oeuvre qui sont scrutées de près, rappelle le colonel Jérôme, à la tête du bureau études, pilotage et activités de la Section technique de l’armée de Terre (STAT) et chef d’orchestre des expérimentations conduites durant SJO 25. Inscrit dans la lignée de l’exercice BIA 23, cet EXTO aura surtout servi de laboratoire à grande échelle pour plus de 50 technologies poussées dans leurs retranchements lors de 120 expérimentations.

Ces équipements, certains sont en service depuis un moment et exigent des évolutions, comme le système d’information du combat SCORPION (SICS) ou le missile antichar Akeron MP. D’autres viennent tout juste d’être livrés, comme ces versions de guerre électronique du Serval et de « mortier embarqué d’appui au contact »  (MEPAC) du Griffon. Environ 80% des systèmes testés ces dernières semaines dans les grands camps du nord-est de la France auront été livrés aux forces en 2025 ou 2026. Le reste relève d’idées naissantes, comme cette bande explosive autocollante (BEA) destinée aux effractions chaudes menées par les sapeurs. Un défrichage que l’armée de Terre poursuivra « car on veut conserver cette dynamique de montée en gamme », pointe le colonel Jérôme.

Atypique et ambitieux, SJO aura duré plus d’un mois. Cinq semaines divisées en deux phases, dont une première de « technique pure » constituée de petites vignettes tactiques parfois connectées mais toujours focalisées sur l’appropriation et la définition du cadre d’emploi main dans la main avec le futur utilisateur. Et parce que rien ne remplace l’épreuve du terrain, les 15 jours suivants ont pris la forme d’un exercice tactique où les systèmes alors confiés aux forces ont été soumis aux aléas du combat, de la fatigue, du stress et d’habitudes acquises à force de drill sur les matériels d’avant. Achevée le 10 décembre, l’EXTO laissait place ensuite à quelques jours dédiés aux retours d’expérience. Et cinq semaines de manoeuvres jouées dans quatre camps différents, que sont Sissonne, Mourmelon, Suippes pour la majorité des tirs et Vouziers pour les opérations de brouillage. De quoi se confronter à différents environnements ruraux, urbains et au combat de tranchées, chaque milieu amenant son lot de défis et de plus-values pour le matériel évalué.
 
SJO-25-un-laboratoire-capacitaire-et-un- Paras du 8e RPIMa et cavaliers du 1/3L belge côte à côte pour construire l’interopérablité franco-belge
(Crédits image : armée de Terre/STAT – 1DIV – 8e RPIMa)
 

Ces technologies, « nous les mettons en charge pour voir si, dans le cas d’un engagement opérationnel, elles répondent correctement et garantissent un résultat correspondant à celui obtenu lorsqu’elles sont testées de manière isolées », indique l’officier supérieur de la STAT. Épicentre ponctuel de la démarche capacitaire, SJO a cela d’unique qu’il aura mis utilisateurs, experts et industriels autour d’une même table. La STAT a, à elle seule, détaché la moitié de ses spécialistes, soit environ 150 militaires venus du quartier-général versaillais. Côté industriels, l’exercice a rassemblé jusqu’à 300 représentants chargés d’accompagner la prise en main et de corriger un maximum de problèmes, défauts techniques et autres instabilités en boucle courte. 

La STAT disposait pour cela de « cobayes » de choix : les paras de la 11e brigade parachutiste, une poignée de bigors du 3e régiment d’artillerie de marine et leurs Griffon MEPAC, des équipages du 1er régiment d’hélicoptères de combat (1er RHC), quelques traqueurs d’onde du 54e régiment de transmissions (54e RT) et, partenariat CaMo et construction de l’interopérabilité obligent, une centaine de cavaliers belges du 1/3 bataillon de Lanciers. Soit, au pic de l’exercice, plus de 3000 combattants commandés par l’état-major de la 1re division de Besançon, lui-même chapeauté par le Corps de réaction rapide – France (CRR Fr) de Lille. 
 

Les premières impressions à chaud ? « Nous n’avons rencontré aucune impasse. Tout n’est pas parfait, mais rien n’est à jeter », observe le colonel Jérôme alors que le 8e régiment parachutiste d’infanterie de marine (8e RPIMa) reprend Jeoffrécourt, ce village de combat factice reproduit au Centre d’entraînement aux actions en zone urbaine (CENZUB) de Sissonne (Aisne). Même son de cloche du côté d’une 1re  division dont le commandant, le général de division Bruno Helluy, relève l’intérêt d’incorporer « tout ce qui doit nous permettre de se diriger le plus rapidement possible vers un combat de haute intensité infovalorisé, intégré dans un milieu international ». Deux domaines s’avèrent primordiaux dans ce « tout » :  la connectivité nécessaire pour recueillir, analyser et exploiter la donnée au profit du commandement et, étroitement liée, l’accélération de la boucle renseignement-feux au moyen d’une « kill web », un maillage de capteurs et d’effecteurs encore à parfaire. 

 
SJO-25-un-laboratoire-capacitaire-et-un- L’hybridation des communications, une trame de bout en bout à construire depuis la métropole, où se prennent les décisions d’ordre stratégique, jusqu’aux niveaux opératif et tactique
(Crédits image : armée de Terre/STAT/Antoine Siffroi)
 
Commander en haute intensité
Maillon central de la chaîne de commandement, la 1ère division se retrouve aujourd’hui confrontée à plusieurs enjeux majeurs. Les capteurs, à commencer par les drones, se multiplient et génèrent des montagnes de données qu’il faut pouvoir recueillir, maîtriser, traiter et faire circuler rapidement sans erreur ni perte. L’une des pistes poursuivies, c’est ce data hub de l’avant (DHA) que l’armée de Terre déployait pour la deuxième fois lors de SJO, après celui fourni à la 7e brigade blindée (7e BB) pour l’exercice Dacian Fall conduit il y a peu en Roumanie. Placé sous la gouvernance du bureau numérique (BNUM) de l’état-major de l’armée de Terre (EMAT), le DHA est l’une des réalisations du centre d’application de la donnée numérique (CDAN). Ses équipes travaillent depuis un an sur la question en lien avec la 1re division, avec un point de passage majeur lors de l’exercice de poste de commandement Warfighter 25-4 piloté par le 3e corps d’armée américain. 
 

Les applications ne manquent pas, à commencer par la valorisation du « big data » au profit des décideurs. Exit les tableurs Excel chronophages et difficilement lisibles, le CDAN a fait appel à l’outil Superset, une brique du programme interarmées ARTEMIS.IA, pour agréger les données accessibles dans un domaine choisi, les retranscrire sous forme de tableaux de bord et « montrer à l’opérationnel ce qu’il doit voir pour remplir sa mission », note le sergent Alan, l’un des programmeurs du CDAN. L’autre plus-value de ce DHA, c’est l’intelligence artificielle qu’il contient, « une nécessité absolue sur laquelle on a encore à travailler pour l’intégrer nativement », souligne le général Helluy. Baptisé « Berthier », ce ChatGPT à la sauce militaire contribue lui aussi à automatiser le traitement des données et, cette fois, à proposer une réponse quasi instantanée. « La plus-value de l’IA, c’est sa capacité à proposer quasi instantanément la ou les solutions les plus adaptées à la situation. Les premiers produits sont prometteurs et bénéficient déjà à la 1re division », estime son commandant. Différents modèles sont testés dont l’un en provenance de Mistral AI, « bien connu pour bien répondre à certains usages ». Si le DHA est conçu pour déployer un ou deux modèles en simultané, d’autres sont disponibles dans une « boîte à outils » potentiellement extensible. « Nous sommes déjà satisfaits, mais il y a des marges de progression évidentes », indique un officier supérieur du CDAN. Ce dernier n’exclut pas, par exemple, d’étendre le modèle de langage à d’autres types de données, telles que les prises de parole en réunion pour en fournir un résumé automatique. 

Le potentiel semble évi<dent, mais encore faudra-t-il recevoir et renvoyer ces informations à l’heure où les noeuds et les flux de communication deviennent des cibles de choix. La réponse réside en grande partie sur l’hybridation des communications, ce mécanisme par lequel les radios classiques sont complétés par un recours ponctuel aux réseaux mobiles et aux constellations satellitaires civiles. Deux kits d’hybridation deviennent disponibles, tous deux développés par Thales. Quand le groupement tactique interarmes (GTIA) ne disposait avant que de la radio, le kit intra-théâtre FORUM lui apporte la 4G/5G et la liaison satellitaire OneWeb, un premier pas en attendant d’autres constellations. Intégré sur un véhicule PC, FORUM apporte non seulement la résilience mais également un surplus de débit et d’élongation. Idem pour le kit HERMIONE, cette fois orienté vers l’entrée de théâtre et le niveau opératif. « La VHF et la HF ne suffisent plus. Il nous faut des gros tubes, surtout en travaillant avec l’IA », résume le général Helluy. Le besoin de débit étant ici bien plus important, HERMIONE aura recours à d’autres supports, dont les satellites militaires SYRACUSE et une infrastructure locale à laquelle l’armée se raccorde grâce à des VPN spécifiques loués à la nation-hôte.
 
SJO-25-un-laboratoire-capacitaire-et-un- (Crédits image : armée de Terre/STAT – 1DIV) SJO-25-un-laboratoire-capacitaire-et-un- (Crédits image : armée de Terre/STAT – 1DIV)
 

« Le but, c’est d’avoir une continuité dans l’hybridation », poursuivait le colonel Jérôme. Depuis la métropole où se prennent les décisions d’ordre stratégique jusqu’au niveaux opératif et tactique, il faut s’assurer de ne pas rencontrer « d’effet d’entonnoir ». L’hybridation doit justement contribuer à garantir l’interconnexion entre chaque échelon, chaque système d’information et de commandement. D’autant plus quand de nouveaux outils apparaissent, à l’image de SitaWare HQ. Retenu pour remplacer un outil SIA C2 qui n’a pas donné satisfaction, la plateforme conçue par l’entreprise danoise Systematic était pour la première fois opérée à grande échelle à l’occasion de SJO. « Les retours sont très bons pour l’instant, cela nous permet de très bien travailler », note le général Helluy. Utiliser SitaWare HQ, c’est se départir de la logique chronophage du Powerpoint, gagner en simplicité, en fluidité, et du temps par rapport au prédécesseur, SICF. 

 

Derrière ces nouvelles briques, d’autres déjà en service se devaient d’évoluer. C’est le cas de SICS et de ses versions débarquée (SICS DEB) et adaptée à l’aérocombat (SICS ALAT). Le premier se voit complété d’une nouvelle fonctionnalité permettant au combattant de planifier des vols de drones à partir de sa tablette, un ajout qui lui permet de mettre en oeuvre les capteurs et effecteurs disponibles sans multiplier les supports. Le 1er RHC aura pu vérifier l’interopérabilité de SICS ALAT avec les autres moutures. Adapté aux spécificités de l’aérocombat, il équipera tous les aéronefs de l’ALAT à compter de 2027, puis les hélicoptères Guépard et Tigre rénovés à compter de 2028. Qu’importe l’arme, le socle « générique » de SICS continue d’évoluer. Une version 1.3 a ainsi été préparée et déployée spécifiquement pour SJO. Misant sur les retours des incréments précédents, celle-ci amène plus de stabilité, plus d’ergonomie et contribue à alléger l’interface. D’autres améliorations seront nécessaires, mais cette nouvelle itération « donne satisfaction » et a toutes les chances d’être déployée à plus grande échelle dans l’armée de Terre.

 

Reste un enjeu de connectivité entre les différents échelons et différentes briques. Des passerelles apparaissent progressivement entre SitaWare HQ, outil de la division, et SICS, qui assure la continuité du commandement de la brigade jusqu’à la première ligne. Cette recherche de fluidité doit s’étendre au DHA, dans lequel SitaWare HQ a pu notamment aller « piocher » des fonds de carte. À terme, il s’agira d’établir de véritables « contrats d’échange » entre les deux atouts pour automatiser et étendre ce qui repose pour l’instant sur des exports ponctuels donc limités. De même, le champ ne s’arrête pas aux seuls militaires français. Dans un engagement majeur qui ne peut être envisagé qu’en coalition, il convient de pouvoir travailler avec les armées alliées. C’est pourquoi SYNAPS, cette version export de la radio française CONTACT était dans l’éventail des expérimentations de SJO. C’est aussi dans ce but que des Griffon français ont été confiés aux cavaliers belges en attendant que ceux-ci réceptionnent leurs propres véhicules au travers du partenariat CaMo. C’est, enfin, l’un des apports de SitaWare HQ, que l’OTAN et plusieurs nations alliées ont adopté avant la France. 

Ya Rab Yeshua.

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