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Les « actions hostiles » visant l’industrie de l’armement se multiplient, selon la Direction de la sécurité de la Défense


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Alors qu’il est désormais question « d’économie de guerre », les projets européens de taxonomie, qui visent à classer les entreprises selon leur impact sur l’environnement et des critères sociaux, pourraient contrarier davantage l’accès des industriels de l’armement au crédit. Crédit que, par ailleurs, de plus en plus d’établissements financiers rechignent à leur accorder, en raison de règles de conformité réglementaire [compliance] très strictes… et, parfois, de pressions de la part de certaines ONG.

« La taxonomie est une réalité de plus en plus pressante. Le léger assouplissement lié au choc de l’invasion russe n’a pas empêché un retour à la tendance : on continue à pointer du doigt l’industrie de défense comme non durable. Cela touche le financement mais aussi, plus largement, l’ensemble des acteurs susceptibles de participer à l’industrie de défense », a ainsi récemment expliqué Emmanuel Levacher, le Pdg d’Arquus, lors d’une autidion au Sénat.

Visiblement, cette situation est loin de déplaire à tout le monde. « Derrière la taxonomie se cachent des représentants d’intérêt, essentiellement à Bruxelles, qui nous nuisent directement, et qui sont financés par des puissances, supposément amies ou non. […] Nous sommes, là aussi, victimes de notre naïveté », a en effet affirmé le sénateur Pascal Allizard, lors de l’examen en commission d’un rapport sur le soutien de la politique de la défense.

Ces « représentants d’intérêt », le député Christophe Passard les a évoqués dans un rapport sur le financement de l’économie de guerre. « Compte tenu du lobbying intense dont les institutions européennes font l’objet, l’image et les intérêts de la défense doivent être mieux défendus à Bruxelles », a-t-il écrit.

Le général Philippe Susnjara est le nouveau directeur du renseignement...

Cela étant, et outre les difficultés potentielles de financement, la Base industrielle et technologique de défense [BITD] française fait face à d’autres « actions hostiles », comme l’a souligné le général Philippe Susnjara, le patron de la Direction du renseignement et de la sécurité de la Défense [DRSD – service de contre-espionnage et de contre-ingérence, ndlr], lors de son audition à l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen du projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30.

Pour les années à venir, la DRSD a identifié quatre axes d’effort, dont l’adaptation, en matière de contre-ingérence, aux nouvelles conflictualités liées notamment à la Chine et à Russie, la montée en puissance du « cyber », la prévention du terrorisme et de la radicalisation et la protection des entreprises de la BITD, lesquelles font face à une « forte progression des actions hostiles ».

« Les tentatives de prédation et de déstabilisation de la base industrielle et technologique de Défense se sont multipliées. Elles prennent la forme d’ingérences légales, au travers des normes et de la réglementation, ou extralégales, avec, par exemple, des attaques contre la réputation d’une entreprise concourant à un marché, des captations d’informations, l’affaiblissement d’un concurrent etc », a expliqué le général Susnjara.

« L’augmentation du budget de la défense et la mise en avant des matériels occidentaux aiguisent certains appétits. Dans ce domaine, la Chine représente la menace principale : elle agit dans de nombreux secteurs, pas uniquement celui de la défense, et se montre particulièrement intrusive dans la recherche », a-t-il poursuivi. En clair, il s’agit ni plus ni moins que d’espionnage industriel…

« Nous devons nous montrer vigilants sur les normes et les réglementations, notamment anglo-saxonnes, car la Chine et d’autres pays souhaitent se doter de moyens importants en la matière », a ajouté le général Susnjara, en soulignant la coopération étroite de la DRSD avec Tracfin et la Direction générale de la sécurité intérieure [qui a repris la mission de contre-espionnage de l’ex-Direction de la surveillance du territoire].

Ces « actions hostiles » ne visent pas seulement les grands groupes… Mais aussi – et sans doute surtout – leurs sous-traitants et fournisseurs, qui, connus pour posséder des savoir-faire particuliers, peuvent constituer un maillon faible. « À cet égard, notre objectif est de se doter d’un outil utilisant la cartographie en 3D et la technologie des jumeaux virtuels pour disposer d’une meilleure vision de l’ensemble des installations et d’une connaissance en temps réel et à jour de nos niveaux de protection », a précisé le général Susnjara.

S’agissant de la contre-ingérence informationnelle, la DRSD s’attache à déterminer dans « quelle mesure certains acteurs peuvent attaquer la réputation d’une entreprise et divulguer de fausses informations, par exemple pour l’empêcher d’obtenir un marché », a continué son directeur.

« Une petite cellule suit ces dossiers, notre objectif étant, dans l’année qui vient, de nous brancher sur ceux, dans la sphère institutionnelle ou industrielle, qui mènent déjà des actions très intéressantes. Les grands groupes font déjà de la veille informationnelle, mais pas forcément dans leur chaîne logistique. Comme pour le cyber, il peut y avoir des attaques contre les petites entreprises, qui sont des maillons de cette chaîne, pour contourner la protection que déploient les grandes sociétés », poursuivi le général Susnjara.

Enfin, les entreprises de la BITD seraient également susceptibles de faire l’objet d’actes hostiles en lien avec le contexte politique et sociétal français.

« Nous suivons l’ensemble de la radicalisation, qui se développe malheureusement dans la société actuelle », a dit le DRSD. « Nous suivons la présence de l’ultradroite au sein des armées, mais il n’y a pas de sujet particulier. Nous prenons les mesures d’entrave, en lien avec le commandement, lorsqu’elles sont nécessaires. Et nous agissons de la même façon avec l’islam radical », a-t-il expliqué.

Le problème ne se pose pas dans les mêmes termes avec l’ultragauche. Avec celle-ci, a développé le général Susnjara, « nous avons plutôt affaire à des gens qui pourraient viser la BITD ou les institutions de l’extérieur : là, nous travaillons de manière coordonnée avec les autres acteurs du renseignement ».

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  • 1 year later...

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Depuis 2021, plus de 150 « atteintes physiques » ont visé les entreprises françaises de l’armement

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Par définition sensibles en raison de leurs activités, les 4000 entreprises de la Base industrielle et technologique de défense [BITD] françaises ne sont évidemment pas épargnées par les tentatives d’ingérences étrangères, d’où qu’elles viennent.

Ces dernières peuvent prendre la forme de prises de contrôle capitalistique, avec, en creux, le risque d’une délocalisation de savoir-faire. Ce que l’on appelle le « Lawfare », c’est-à-dire l’instrumentalisation du droit à des fins stratégiques, fait aussi partie du mode opératoire de certains pays – notamment les États-Unis et la Chine – pour contraindre des entreprises de la BITD.

« Quand une réglementation comme [l’ITAR] permet aux autorités d’un État, dès lors qu’un produit vendu dans un autre pays contient un composant fabriqué sur son sol, de vérifier si la vente est conforme aux règles qu’il a édictées, il peut s’agir d’une forme d’ingérence, selon la façon dont c’est appliqué. C’est ce que font les Américains depuis plusieurs années, mais aussi les Chinois : ceux-ci ont copié, dans l’esprit, le Patriot Act américain et, profitant de leur puissance économique, essaient de s’ingérer dans les économies étrangères », avait ainsi expliqué Stéphane Bouillon, le Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, dans un récent rapport parlementaire.

D’autres menaces, plus directes, concernent les entreprises de la BITD. On peut citer les attaques informationnelles, lesquelles visent à compromettre leur réputation quand elles sont engagées dans un processus concurrentiel, l’entrisme, l’espionnage ou encore le sabotage, que ce soit par des actions « cyber » ou des moyens « classiques ».

En septembre 2022, alors fraîchement nommé à la tête du ministère des Armées, Sébastien Lecornu avait appelé les industriels de la BITD à la vigilance, en insistant sur le risque de « sabotage ». « Nous constatons et nous surveillons un certain nombre d’agissements. Je n’irai pas plus loin parce que cela est couvert par le secret », avait-il dit.

Lors d’une audition de la commission d’enquête du Sénat sur les ingérences étrangères, M. Lecornu a donné, pour la première fois, quelques chiffres permettant d’appréhender l’ampleur de ce phénomène.

D’abord, 80 % des « attaques » [espionnage, sabotage] concernent les sous-traitants de la BITD, a-t-il souligné. Quant aux cas d’atteintes « physiques » [intrusions, cambriolages, tentatives d’approche], plus de quarante ont été constatés en 2021. Avec la guerre en Ukraine, leur nombre a augmenté, avec une cinquantaine de cas documentés en 2022 et autant en 2023.

« C’est quelque chose qui est très ‘Guerre froide’, mais qui n’a jamais disparu et qui reprend une force particulière depuis deux ans », a souligné M. Lecornu. Quant aux atteintes « physiques », on « n’est pas sur une petite opération de cyberattaque, mais bel et bien sur une opération beaucoup plus structurée de gens qui – au gré d’une visite, au gré d’un cambriolage qui paraît quelconque – tentent une intrusion dans une industrie de défense et dont il nous est clairement apparu que ça n’avait rien de domestique, que c’était bel et bien commandité par un acteur étranger », a-t-il expliqué.

« La force d’une chaîne dépend de son maillon le plus faible », dit-on. Ce qui fait que les sous-traitants sont une cible privilégiée de ces ingérences. « C’est sûr que Dassault, Thales, Safran ont développé des capacités internes importantes de protection. Mais le petit sous-traitant en province, qui produit le composant majeur ou connexe mais clé, est le plus violement exposé à ces risques d’ingérences », a relevé le ministre.

 

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Ya Rab Yeshua.

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  • 2 semaines plus tard...

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