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Selon la Cour des comptes, les bâtiments de l’École navale sont dans un « état globalement dégradé »


BTX

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Dans un rapport publié en février, la Cour des comptes a estimé que l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan [ASMSCC], qui forme les futurs officiers de l’armée de Terre, n’avait pas les moyens de ses ambitions, faute de disposer d’une certaine marge de manœuvre financière et d’avoir la main sur ses ressources. Et cela, en raison de son statut.

« Les dépenses au profit de l’Académie militaire transitent par 15 à 20 canaux budgétaires différents, chacun étant régi par des règles spécifiques et géré par des responsables différents », avaient ainsi souligné les magistrats de la Rue Cambon.

Et de faire observer que, contrairement à l’École navale et à l’École de l’Air & de l’Espace, l’ASMSCC n’avait pas encore opté pour un statut d’établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel [EPSCP], alors que celui-ci lui donnerait une certaine autonomie financière ainsi que la possibilité de collecter des fonds en son propre, voire de bénéficier de financements européens.

Pour autant, ce statut d’établissement public ne permet pas de régler tous les problèmes… En témoignent les « observations définitives » concernant l’École navale que la Cour des comptes a publiées sous la forme d’un rapport, le 28 août.

Souvent, ce type de document s’attarde sur les questions budgétaires et les difficultés en matière de gestion, tout en livrant des recommandations pour y remédier. Or, cette fois, rien de tel pour l’École navale, dont le budget annuel s’élève à environ 37,5 millions d’euros [en recette]. « Sa situation financière est satisfaisante », admet ainsi le rapport, même s’il déplore des ressources « propres » trop faibles malgré son statut d’établissement public. « Le mécénat et la location d’espaces n’existent pratiquement pas », déplore-t-il.

Cependant, malgré ce bon point, la Cour des comptes estime que l’École navale doit encore faire des efforts pour surmonter quelques « difficultés importantes » pour achever sa mue en EPSCP. Et de pointer notamment la gestion des ressources humaines, celle-ci étant rendue compliquée par la coexistence d’une « pléthore de statuts différents », que ce soit au sein du personnel civil [enseignants, fonctionnaires mis à disposition ou en détachement, agents contractuels de droit public, ouvrier d’État] comme au sein du personnel militaire [réservistes].

Seulement, comme l’avance le rapport, en gestion, « l’École navale n’a la main ni sur les personnels militaires, dont l’affectationet le départ sont décidés par la direction du personnel militaire de la marine, ni sur les enseignants-chercheurs délégués par l’École nationale supérieure d’Arts et Métiers [ENSAM], pas plus que sur les ouvriers de l’État gérés par le commandement de l’arrondissement maritime atlantique [CECLANT].

Quoi qu’il en soit, cette question des ressources humaines fait l’objet de deux des sept recommandations formulées par la Cour des comptes. Trois autres concernent un autre sujet épineux : celui des infrastructures. Sur ce point, l’École navale a les mêmes difficultés que l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan, dont le patrimoine immobilier se trouve dans un « état visible de délabrement » [dixit le rapport de la Cour des comptes publié en février].

Et les mêmes causes produisent les mêmes effets, à savoir que ces deux établissements dépendent en très grande partie de leur Groupement de Soutien de Base de Défense [GSBdD] et de de l’Établissement du service d’infrastructure de la défense [ESID].

« L’embasement constitue certes un outil de mutualisation, mais il est une source de difficultés, l’École navale ne constituant pas une priorité stratégique pour le commandement de la base de défense par rapport aux unités opérationnelles du même ressort géographique », avance le rapport. Aussi, poursuit-il, « cette absence de priorité se retrouve dans l’état du patrimoine immobilier, les travaux étant régulièrement différés ».

Créée à Brest par une ordonnance de Louis-Philippe, roi des Français, en novembre 1830, l’École navale a déménagé en 1965 à Lanvéoc-Poulmic, où elle occupe une emprise de 110 hectares. Comme le rappelle la Cour des comptes, le patrimoine immobilier occupe une surface de 60’000 m² tandis que les installations sportives s’étendent sur 30’000 m².

Or, selon le rapport, les bâtiments de l’École navale se trouvent actuellement dans un « état globalement dégradé, certains pouvant même s’avérer dangereux ». Et d’ajouter : « Pour autant, 59 % de ses bâtiments sont classés par la base de défense dans les catégories non ou peu stratégiques en termes de programmation d’investissement ».

Plus précisément, sur les 27 bâtiments relevant de l’École navale ou partagés avec la base aéronavale [BAN] de Lanvéoc-Polumic, « 59,5 % sont en état mauvais ou très vétustes, dont les principaux bâtiments des élèves, Orion, Tabarly ainsi que la Tour Intrépide ».

Justement, l’histoire de la Tour Intrépride mériterait un article à part entière. Construit en 1971, haut de 42 mètres, ce bâtiment abritait autrefois le commandement de l’École navale. Son état s’étant dégradé assez vite, avec l’apparition de fissures, il fut décidé, en 2012, de l’abandonner et de le démolir, faute de moyens pour le rénover. Une enveloppe de 1,8 millions d’euros devait être prévue à cet effet. Douze ans plus tard, il est toujours debout… Et le devis pour sa démolition est désormais de 2,8 millions !

Quant au bâtiment Orion, qui s’étend sur 20’000 km² [avec ses salles de cours, ses locaux administratifs, ses hébergements, etc.], il a été rénové dans les années 1990, avant de s’enrichir d’une médiathèque en 2022. Seulement, selon la Cour des comptes, il est « vieillissant et ne correspond plus aux standards du casernement définis par les armées ». Sa rénovation, qui pourrait s’étaler sur dix ans, coûterait entre 118 et 139 millions d’euros selon les différents scénarios à l’étude.

Enfin, pour couronner le tout, les bâtiments livrés dans les années 1990 [Tabarly et Bougainville] « vieillissent mal » et le plus récemment livré [le Valmy, en 2005, ndlr] « laisse entrevoir un vieillissement prématuré ».

Cette situation est due à une « gestion complexe » et à des « compétences partagées » en matière d’infrastructures. Ainsi, explique le rapport, « en fonction de la nature des travaux, l’École navale doit activer une de ces sources de financement pour espérer que ceux-ci soient pris en charge. Pour ses demandes, elle sollicite la base de défense de Brest-Lorient qui arbitre en premier niveau sur l’opportunité et le calendrier de mise en œuvre en tenant compte du plan de charge de l’ESID de Brest. Le cas échéant, si elle ne dispose pas des crédits, la base de défense fait remonter le besoin dans les différentes chaînes de décision par l’intermédiaire du centre interarmées de coordination du soutien [CICOS].

Une solution pour assurer en partie l’entretien des bâtiments de l’École navale consisterait à profiter de son statut d’établissement public afin de financer des travaux sur fonds propres. Seulement, le manque de personnel en interne est « l’un des freins à la conduite des opérations », note la Cour des comptes.

En outre, si elle a élaboré un plan de programmation des investissements, l’École navale n’a « pas encore rédigé le schéma directeur des infrastructures [SDIE] qui s’impose pourtant, compte tenu de sa capacité à financer sur ses fonds propres certains projets de petite taille ». Enfin, insiste le rapport, « la convention d’utilisation des immeubles mis à sa disposition, toujoursen cours de rédaction, doit être finalisée et signée sans délai ».

Cela étant, à l’avenir, l’École navale pourrait de nouveau déménager [partiellement ou totalement] à Brest, dans le cadre du projet « Baille 2030 », dont les contours restent à finaliser.

« Au-delà des sujets susceptibles de faire l’objet d’une mise en œuvre immédiate, l’aboutissement de cette réflexion amène à poser la question du maintien total ou partiel de l’École navale dans ses actuels locaux », estime la Cour de comptes. Et de conclure : « Il va de soi que toute décision en la matière ne saurait être prise sans des études préalables approfondies aboutissant à mettre en regard les différents scénarios envisageables afin de pouvoir en comparer de façon documentée les avantages et inconvénients, et bien évidemment les coûts, sachant que ceux-ci devront prendre en compte les investissements déjà réalisés sur les infrastructures existantes ».

Photo : Rama – CC BY-SA 3.0 fr

Ya Rab Yeshua.

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