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Les réformes du ministères des Armées menées à partir de 2008, dans le cadre de la « Révision générale des politiques publiques » [RGPP] n’a pas tenu compte du fait que le Service national avait été seulement suspendu et non supprimé. Aussi, au regard du nombre d’emprises militaires fermées [dont certaines ont été cédées pour l’euro symbolique], tout retour en arrière est extrêmement compliqué, alors que le contexte international a rouvert le débat sur la conscription en Europe, comme c’est actuellement le cas en Allemagne et même au Royaume-Uni.
À moins de s’inspirer du modèle scandinave, où les forces armées ne retiennent que les conscrits dont elles ont besoin, le rétablissement du service militaire n’est pas à l’ordre du jour en France, l’accent devant être mis sur l’accroissement significatif de la réserve opérationnelle [RO1], selon un ratio d’un réserviste pour deux militaires d’active. Du moins, c’est ce que prévoit la Loi de programmation militaire [LPM] en vigueur à l’horizon 2035.
Cela étant, la question d’un éventuel rétablissement de la conscription revient régulièrement dans le débat politique. Lors de l’élection présidentielle de 2017, le candidat Emmanuel Macron avait ainsi proposé l’instauration d’un « service militaire universel » d’une durée de seulement un mois… Mais, une fois élu [et réélu], ce projet s’est mué en « service national universel » [SNU], lequel pourrait se généraliser en 2026 [du moins est-ce la feuille de route donnée au gouvernement].
Pour autant, selon le général Pierre-Joseph Givre, directeur du Service national et de la jeunesse au ministère des Armées, un retour de la conscription n’est pas totalement exclu.
« S’agissant de l’éventuel rétablissement du service national, la réponse a été donnée par le chef de l’État et le ministre des armées. Jusqu’à présent, elle consiste à accroître l’épaisseur de la ressource humaine du ministère des armées, en augmentant la réserve. Le président de la République a par ailleurs indiqué que le débat n’était pas figé et que si les circonstances l’exigent, nous devons être prêts à rétablir un service national, sous une forme militaire ou autre », a-t-il en effet déclaré lors d’une audition à l’Assemblée nationale ayant eu lieu le 20 mars et dont le compte-rendu vient d’être publié.
En attendant la possible généralisation du SNU, chaque jeune âgé de moins de 25 ans, après avoir accompli les démarches [obligatoires] du recensement, est fortement incité à participer à la Journée Défense Citoyenneté [JDC, autrefois appelés Journée d’appel de préparation à la Défense, ou JAPD]. Celle-ci prévoit des tests d’évaluation, un enseignement sur le civisme, une information sur « l’égalité entre les femmes et les hommes » et une sensibilisation aux enjeux de la défense.
L’utilité de cette JDC est régulièrement remise en cause [de même que son coût, de 100 millions d’euros]. « Ce n’est pas en quelques heures qu’il est possible d’aborder les enjeux de la Défense, qui, par ailleurs, ne sont évoqués que succinctement pour faire la place à d’autres thématiques », avaient ainsi estimé les députés Marianne Dubois et Joaquim Pueyo, dans un rapport remis en 2016.
Depuis, le constat n’a pas varié d’un iota… comme l’a récemment admis Sébastien Lecornu, le ministre des Armées. « C’est devenu une journée un peu fourre-tout, où des gens admirables s’engagent pour la faire vivre, mais au fond, elle se démilitarise un tout petit peu avec le temps », a-t-il en effet déclaré, à l’antenne de LCI, le mois dernier.
Comme elle « passe à côté de sa cible », le ministre a dit souhaiter la « rendurcir militairement » car il « faut qu’à la fin de cette journée, les jeunes Françaises et les jeunes Français […] aient les idées claires sur notre système de défense et les rudiments de compréhension sur le fonctionnement de l’armée française, sur les grandes opérations auxquelles l’armée française a pu participer ces dernières années ».
Quel sera le contenu de cette JDC « remilitarisée » ? Le général Givre a donné des détails à son sujet.
« Nous avons établi un prototype pour la nouvelle formule de la JDC. Elle sera ainsi découpée en plusieurs étapes. La première […] consistera à rassembler les participants dans une enceinte militaire, sauf dans les ‘déserts militaires’, où nous devrons aller à la rencontre des jeunes » et elle « débutera par la levée des couleurs et le chant de la Marseillaise, pour ressentir symboliquement le ‘vivre ensemble' », a-t-il dit.
Ensuite, il est question de mettre en place un « atelier métavers » afin de « faire découvrir les métiers de la défense à travers des avatars », avec par exemple « un cuisinier dans une frégate qui double le cap Horn, un alpiniste militaire ou un pilote de chasse », a continué le général Givre.
Un autre type d’atelier portera « sur le tir sportif, à travers un tir laser, pistolet et carabine, pour les garçons et les filles, de type biathlon », a-t-il continué. On peut supposer qu’il s’agira d’armes à air comprimé pour tirer des plombs. « Le fait de prendre une arme en main exige de la discipline et de la stabilité émotionnelle. Les jeunes apprendront à manipuler une arme de manière intelligente et en sécurité », a fait valoir le général Givre.
Un autre atelier prendra la forme d’un « jeu de rôle, où les jeunes joueront des décideurs ou des soldats, des marins, des aviateurs, dans le monde entier », a-t-il poursuivi, sans donner plus de précisions. Enfin, un enseignement sur les gestes élémentaires des premiers secours « physiques et psychologique » devrait également être au programme.
« La journée se conclura par des échanges avec des militaires, dans le cadre d’un forum très informel, avant de procéder à une remise des certificats lors d’une cérémonie », a ajouté le général Givre, qui a estimé le coût de cette refonte de la JDC à 10 millions d’euros. C’est un « montant extrêmement raisonnable par rapport à l’enjeu » et « nous espérons que cette immersion et ces échanges interpelleront et créeront des vocations », a-t-il affirmé. « Cette démarche est inclusive et vise à révéler des talents, quels que soient la condition physique ou le niveau intellectuel », a-t-il souligné.
Par ailleurs, et comme l’avait annoncé le ministre, il est prévu de « moderniser » le recensement afin d’être en mesure d’identifier les compétences des « personnes volontaires susceptibles de rejoindre la réserve ».
Sur ce point, le général Givre a estimé qu’il fallait en effet « aller plus loin, probablement dans la connaissance de la jeunesse française et de la mise à jour des données qui nous permettraient, le cas échéant, de réquisitionner et/ou de mobiliser, sans passer par un intermédiaire ». L’idée est d’éviter les « problèmes politiques » que l’Ukraine a connus au moment de voter une loi sur la mobilisation militaire.
« Nous devons nous y préparer, non pas dans l’idée d’une levée en masse ou d’un service militaire. Mais parmi mes missions figure l’appel sous les drapeaux. Aujourd’hui, nous sommes, à mon sens, insuffisamment préparés ; raison pour laquelle nous travaillons ardemment », a conclu le général Givre.